Alors qu’il a débordé la Tête à l’Anglais à 4h33 (heure de Paris) ce mercredi 16 novembre, Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild) attaque désormais les 60 milles derniers milles du parcours de La Route du Rhum – Destination Guadeloupe. Soixante milles autour de l’île Papillon qui, lors de chaque édition, ne cessent de contribuer à la légende de la course avec des rebondissements aussi incroyables que spectaculaires. Soixante milles que le skipper sait donc potentiellement très dangereux, notamment en raison de redoutables zones de dévents. Dans ce contexte, les 82 milles qu’il compte d’avance sur son poursuivant le plus proche suffiront-ils pour l’emporter et ainsi lui permettre de succéder à Francis Joyon au palmarès de l’épreuve ? François Gabart est-il encore en mesure de conjurer le sort de 2018 et de s’imposer sur le fil ? Si le Finistérien a œuvré sans relâche depuis le départ pour construire sa victoire, menant les débats quasiment de bout en bout, le suspense reste entier dans cette 12e édition dont l’épilogue est attendu en milieu de matinée !

Passage du Maxi Edmond de Rothschild, Charles Caudrelier, à la tête aux Anglais – Arrivée de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe 2022 – Pointe à Pitre le 16/11/2022

Ce qu’il faut retenir :

  • A 1h39, la nuit dernière, alors qu’il venait de passer les Açores en 8e position, Axel Trehin a subi une avarie majeure avec la casse de sa barre de flèche. Le skipper du Class40 Project Rescue Ocean a toutefois réussi à préserver son mât et fait route vers Ponta Delgada aux Açores pour envisager les possibilités de réparation.
  • Aux environs de 3 heures ce mercredi, Matthieu Perraut est arrivé à quai à Punta Delgada. Pour mémoire, le skipper d’Inter Invest avait subi un choc violent avec un OFNI lundi dernier, endommageant alors lourdement son Class40.
  • Jean-Pierre Dick (Notre Méditerranée – Ville de Nice) est attendu dans la matinée à Ponta Delgada où il déposera Brieuc Maisonneuve (CMA – île de France – 60 000 Rebonds) qu’il avait secouru, dimanche.
  • Confronté à quelques problèmes techniques, Baptiste Hulin, (Rennes / Saint-Malo / Parenthèses de Vie), Emmanuel Le Roch (Edenred) et Andrea Fornaro (Influence) ont prévu une escale technique, ce mercredi, sur l’île de Sao Miguel, aux Açores.

Comment l’histoire de cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe 2022 va-t-elle finalement s’écrire ? La question reste posée mais elle devrait trouver une réponse d’ici peu. En milieu de matinée vraisemblablement. « Il y a de l’excitation mais surtout de la concentration », a commenté le navigateur peu avant d’attaquer le fameux tour de la Guadeloupe. « C’est une particularité de la Route du Rhum et c’est un moment de la course que j’appréhende particulièrement. En arrivant de nuit en heure locale, tout est fait pour faire un finish à suspense comme vous aimez bien à terre, mais comme on déteste en mer », a martelé le marin dès lundi, avant de le rappeler hier et encore ce matin lors de la vacation matinale. « Ces derniers milles font toujours un peu peur mais j’ai une avance confortable. J’espère que ça va suffire. J’ai bien préparé mon truc. J’ai une bonne idée de là où je vais passer. Ça va être délicat comme passage car le vent n’est pas orienté de la manière des plus favorables. Ça risque, dans tous les cas, d’être un peu pénible », a ajouté Charles Caudrelier qui compte entre trois et quatre heures de bonus sur son dauphin, relégué à plus de 80 milles au pointage de 6 heures. « J’aurais préféré en avoir 100 mais je suis content, c’est une belle marge. Le début du tour de l’île est apparemment assez facile. Il y a un petit effet d’accélération mais après, il faut aller raser la côte et jouer avec le vent qui tombe de la montagne mais qui n’est pas toujours là, surtout dans la nuit. En 2018, je crois que François était resté 2 heures sans pouvoir bouger. Ça promet de ne pas être simple », a concédé le marin qui sait qu’il n’existe aucune règle pour passer sous le vent d’une île tropicale, au pied d’un volcan (La Soufrière) dont le sommet culmine à 1 467 mètres. Sa vigilance va donc devoir rester maximale jusqu’à la ligne d’arrivée qu’il devrait, sauf accident, franchir entre 9h30 et 10h30 ce mercredi. « Je suis concentré sur les DCP (Dispositifs de Concentration de Poisson). J’ai tout allumé : le radar, l’Oscar… Je surveille ma caméra infrarouge. Ces dernières heures, j’ai rallongé un peu ma route pour éviter toutes les zones dangereuses. A présent, je suis impatient de franchir la ligne et de vivre cette arrivée incroyable. Je suis en forme, j’ai bien dormi pour attaquer ça. C’est un moment important, qui impose d’être à fond », a assuré le skipper du Maxi Edmond de Rothschild.

Une porte étroite et mouvante.

Plus en arrière, en milieu de l’Atlantique, l’arrivée paraît encore bien loin pour les autres concurrents des classes Ocean Fifty, IMOCA et Class40 puis des catégories Rhum Multi et Rhum Mono. La porte des alizés reste étroite et, en plus de ça, change régulièrement de position. « Tant qu’on n’aura pas réussi à glisser sous l’anticyclone des Açores et qu’on n’aura pas traversé la dorsale, ça restera compliqué », a commenté Jérémie Beyou (Charal) à la vacation. De fait, sur sa zone de course, le vent est mollasson et très instable, passant allègrement de 6 à 13 nœuds. A la clé, logiquement un peu de rififi au sein de la flotte. « Je suis en train de me faire dépiauter en direct par Thomas (Ruyant). Il est deux milles au-dessus de moi, mais je n’arrive pas à rattraper le vent qu’il a. C’est un peu compliqué mais il y a du monde autour et l’avantage, c’est que ça donne des points de repères. Ça se joue à des petits décalages, ce n’est pas grand-chose, mais ça fait vite des places de gagnées ou de perdues quand c’est serré », a ajouté le marin qui a vu fondre le petit matelas de dix milles d’avance qu’il s’était constitué au moment du passage des Açores sur Paul Meilhat (Biotherm) et Thomas Ruyant (LinkedOut). Ce dernier lui a d’ailleurs soufflé la deuxième place derrière l’indétrônable Charlie Dalin (Apivia) au dernier pointage. Même topo ou presque du côté des Ocean Fifty où les écarts se sont nettement tassés entre les trois leaders, Quentin Vlamynck (Arkema), Erwan Le Roux (Koesio) et Sébastien Rogues (Primonial). Ces trois-là que 80 milles séparaient hier matin, se tiennent en moins de 25 milles aujourd’hui. Le scénario est différent chez les Class40 où Yoann Richomme, le skipper de Paprec-Arkea qui s’est installé aux commandes de la flotte lundi après-midi. Après un retour en force à la suite sa pénalité de départ, il continue de creuser doucement mais sûrement l’écart sur la concurrence avec désormais une avance de 30 milles sur Corentin Douguet (Quéguiner – Innoveo). « Je continue d’essayer de bien naviguer et je garde la tête froide. Un nouveau front arrive par l’ouest. Il faut se caler pour son arrivée. Pour ma part, je vais essayer de le faire le plus tard possible pour tenter de passer dans l’endroit le moins risqué. La météo bouge très vite. Je vais essayer de la jouer au mieux, en évitant notamment les zones très molles. Ce serait dommageable de tomber dedans », a indiqué le tenant du titre en Class40 qui va devoir, à la mi-journée, placer au mieux un empannage vers le sud et continuer, comme les autres, de chercher la meilleure porte d’accès vers les alizés. « Il faut être dessus. Cette fameuse porte est étroite et elle bouge très vite dans le temps. Il faut la viser et s’engager au bon endroit car cela va ensuite déterminer l’angle que l’on aura jusqu’à l’arrivée ou presque. C‘est un moment de la course à la fois critique et crucial qui se joue », a terminé Yoann Richomme.