Ce mardi, quatre des cinq skippers de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE – Brest ont pu être joints lors d’une conférence de presse. Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild) a révélé une avarie qui l’accompagne depuis les premiers jours et les précautions qui entourent son arrivée ; Thomas Coville apprécie être celui qui fait le plus de route en ce moment ; Anthony Marchand aime naviguer – il pourrait continuer ” jusqu’à plus soif ” ; Éric Péron aborde la suite du parcours par le prisme de la compétition, et cela le réjouit. Voici l’essentiel de leurs déclarations.

Le point sur la course – À quelque 1800 milles de l’arrivée à Brest, le leader Charles Caudrelier voit se profiler une arrivée musclée, voire hasardeuse. Deux dépressions vont se succéder sur le golfe de Gascogne, annonçant des conditions d’une belle férocité. Le sujet est sur la table à cartes du Maxi Edmond de Rothschild et sur les écrans de son équipe de routage depuis quelques jours. Faut-il aller mettre le nez dans ces vents violents et cette mer de 8 mètres ? Ses ETA, heure estimée d’arrivée, varient fortement selon que la prise de risque sera courue (vendredi 23 février si ça passe) ou lundi 26 (si ça ne passe pas). À 2300 et 2800 milles, Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) et Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire) progressent en direction de l’hémisphère nord. L’équateur est encore à 800 milles des étraves de Sodebo Ultim 3. Dans les mers du sud, Anthony Marchand (Actual Ultim 3) et Éric Péron (ULTIM ADAGIO), font route vers le cap Horn, que le premier devrait contourner dans la nuit de mardi à mercredi, le second s’y annonçant dans la matinée de mercredi.

Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild) : “Je ne vais pas sacrifier le travail de l’équipe par impatience.”

“Je suis motivé. On sent que ça se termine, mais on sait que ce n’est pas fini, avec le dossier qui nous attend. Une météo musclée, avec beaucoup de mer, et ce n’est pas ce dont je rêvais. Il y a des courses qui se sont mal terminées dans le golfe de Gascogne, qui est une zone de navigation des plus difficiles avec une mer croisée, le plateau intercontinental, des vents très irréguliers – il n’y a pas pire que le vent de nord-ouest. J’y suis bientôt (à l’arrivée), mais je n’y suis pas. La décision (sur ses choix de navigation) n’est pas prise. Cela me paraît très limite d’y aller en direct, mais les modèles sont si peu calés ! Il y a une première dépression, que je n’envisage pas de prendre, et une autre derrière qui complique l’affaire. Ce sont des conditions qu’on peut passer, mais il suffit d’une vague pour tout casser. S’il fallait y aller, j’irais sans doute, mais je ne suis pas pressé d’arriver : j’ai envie d’une belle arrivée, à partager avec mon équipe. On parle de 8m, 8,50m de mer avec un vent annoncé à 35-40 nœuds, ce qui veut plutôt dire 45 à 50 nœuds et 70 dans les grains. Au quatrième jour de course, dans la première dépression, j’ai cassé mon bras avant. D’abord, je n’ai rien vu, puis j’ai découvert un bout de carbone dans le cockpit. J’ai mis des sangles partout. Vous voyez ce que la mer peut faire sur un bateau comme le nôtre quand ça tape : il y avait 4 mètres de mer et 40 nœuds de vent, pendant une heure. Je n’ai pas très envie d’aller passer douze heures dans huit mètres de mer… Sur ce tour du monde, on a démontré tout le travail de l’équipe. Je ne vais pas sacrifier cela par impatience.”

Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) : “Tout peut arriver à tout moment”

“Je me rapproche plus vite de l’arrivée que Charles (Caudrelier) et que Armel (Le Cléac’h) pour l’instant. Est-ce que Charles est intouchable ? Je pense que même lui ne voudrait pas répondre à cette question : on peut tout perdre en quelques secondes dans un sport mécanique, Tom (Laperche) l’a rappelé. Je me rappelle aussi de Toyota, qui avait gagné les 24 Heures du Mans, jusqu’à ce que les deux voitures, en tête, cassent avant la ligne d’arrivée. Mais le team Gitana fait depuis deux ans la démonstration de sa maturité technique, celle après laquelle tout le monde court, et qui est difficile à acquérir. On est toujours dans le match, tout peut arriver à tout instant, c’est ce qui est magique et terrifiant. Même en arrivant sur la Bretagne. Son avance est suffisante ? On ne sait pas. Tout peut de nouveau se complexifier et, moi, je ne mise pas sur les chevaux.”

Anthony Marchand (Actual Ultim 3) : “Le cap Horn, une délivrance”

“Ça va bien, je suis reposé. Le cap Horn, j’ai hâte ! J’oublie cette chance qu’est de passer le cap Horn en ULTIM. Je vais passer de nuit, ce qui est une mauvaise nouvelle mais, avec Biotherm (lors de The Ocean Race), je l’ai passé de jour. C’est sûr que ce sera une délivrance, surtout qu’on a passé plus de temps que les autres dans l’Indien et le Pacifique, deux océans magnifiques, mais compliqués. La météo n’est pas en ma faveur depuis un certain temps, et c’est ce qui me pèse le plus. On savait qu’il faudrait sans doute naviguer en mode dégradé, qu’il y aurait des phases comme cela. J’arrive à l’accepter, j’essaie de m’habituer à naviguer avec ces nouveaux modes de gite, de performance de bateau. Ça tape, quand on fait du près sans foils, c’est un calvaire. En se concentrant à bien faire les choses, il y a des moyens d’aller vite. Forcément, c’est agaçant (d’être pénalisé techniquement). Si je ne l’étais pas, je ne serais pas un compétiteur. La situation fait qu’Éric va revenir, il ne faut pas s’en formaliser. On va peut-être se faire un beau match sur la remontée de l’Atlantique. Je préfère qu’on fasse une régate pour remonter à Brest que remonter en mode croisière. On va se tirer la bourre et ça sera chouette.”

Éric Péron (ULTIM ADAGIO) : “J’ai un bateau à quasi 100% de son état de marche”

“Je suis dans un front chaud, dans des conditions qu’on connaît bien en Bretagne : plafond bas, beaucoup de pluie, un vent de sud-ouest bien de chez nous. La mer est assez plate, ça glisse vite vers l’est. Je me rapproche de mon collègue Anthony (Marchand). Dans une course, l’objectif est toujours de grappiller des places. C’est toujours mieux d’avoir le moins de personnes entre la première place et toi. On a 300 milles d’écart, il est à portée de fusil, mais il faut rester conscient que ça ne sera pas tout le temps comme ça. On verra ce que dit la météo. J’ai un bateau à quasi 100% de son état de marche ; Antho a un bateau qui ne peut plus voler et qui a des performances plus proches des miennes. Sinon, je n’ai pas fait le tour de mon avitaillement. Je le ferai après le cap Horn, mais je ne pense pas que ce soit un problème : j’ai moins mangé que prévu, et j’avais pris assez large, ça devrait aller. Et il me reste des oranges, donc tout va bien !”