Les Jeux olympiques se dérouleront dans moins de deux mois maintenant, du 26 juillet au 11 août. Les Jeux paralympiques, quant à eux, auront lieu environ deux semaines après, du 28 août au 8 septembre. C’est d’ailleurs de ces Jeux dont nous allons parler, et d’un nom qui pourrait être l’un de ses grands acteurs côté français : le pongiste Matéo BOHEAS. A 27 ans, il disputera à Paris ses 3es Jeux paralympiques après ceux de Rio et de Tokyo. Nous l’avons rencontré pour évoquer sa saison et ses ambitions en vue de cette échéance.

 

Pouvez-vous vous présenter ?

“Je m’appelle Matéo BOHEAS, j’ai 27 ans et je suis sportif de haut niveau en para-tennis de table où je suis n°1 français et n°3 mondial. Je suis également classé en tennis de table valide, car je joue chez les Loups d’Angers, en Nationale 1, où je suis environ 115e joueur français.”

Est-ce que vous pouvez nous parler de votre handicap en quelques mots ?

“Je suis né avec un pied-bot à gauche, qui est une malformation congénitale de naissance. Je me suis fait opérer quand j’avais 10 mois, car sinon, je n’aurais pas pu marcher. Malheureusement, l’opération a entraîné deux choses. La première est que je me suis retrouvé avec la cheville bloquée et la seconde est que mon mollet gauche est atrophié. Cela reste malgré tout minime et ne me dérange pas trop pour jouer.”

Vous avez commencé le tennis de table à l’âge de 6 ans au club de Ligné en Loire-Atlantique. Pourquoi le choix de ce sport dès le départ ?

“C’est une histoire familiale, car mes parents étaient pongistes ainsi que mon frère et ma sœur. Depuis tout petit, je suis dans les salles de tennis de table. J’ai tout de suite eu envie de toucher la balle et ça m’a rapidement plu. En plus, je me suis rendu compte que je n’étais pas trop mauvais donc c’était cool.”

Vous avez ensuite intégré les structures régionales de tennis de table valide à Nantes pour ensuite rejoindre le club des Loups d’Angers. Qu’est-ce qui vous a fait pencher dans le choix de ce club ?

“Mon niveau ne faisait qu’augmenter donc il fallait que je change de club. J’ai reçu plusieurs propositions de différents clubs, mais mon choix s’est rapidement porté sur les Loups d’Angers. En effet, le club arborait un projet sportif qui était le meilleur pour moi, à savoir de continuer à me faire progresser bien sûr, mais surtout de me permettre de jouer au niveau national. C’est donc logiquement que j’ai opté pour ce projet. Le club a d’ailleurs depuis créé une section handisport.”

À ce sujet, pouvez-vous nous faire un bilan de votre saison avec les Loups ?

“En première phase, nous jouions en Nationale 1, mais nous sommes malheureusement descendus dans la division inférieure avec 1 victoire, 2 matchs nuls et 4 défaites. Nous avons, malgré tout, bien su réagir en remontant dés la deuxième phase avec un carton plein réalisé avec 21 points en 7 matchs. On a rétabli la situation de début de saison.”

Vous avez disputé le Championnat de France Élite handisport, les 18 et 19 mai derniers, où vous avez notamment remporté la médaille d’or en simple et en double messieurs. Quel est votre sentiment vis-à-vis de ces résultats ?

“Évidemment, je suis super content. C’est mon dixième titre, et même s’il ne vaut pas le tout premier, et que la concurrence au niveau national n’est pas la plus forte dans ma catégorie, c’est malgré tout quelque chose de spécial pour moi. Pour le double messieurs, je suis très heureux d’avoir remporté le titre, qui plus est avec le partenaire avec lequel je jouerai aux Jeux paralympiques (Thomas BOUVAIS du Levallois SC). En revanche, pour le double mixte que je disputais aussi avec ma partenaire des Jeux (Morgen CAILLAUD de Joue Les Tours), je suis déçu de notre élimination précoce dès les quarts de finale. Cela reste globalement, quand même, de bons championnats de France.”

Vous nous avez parlé de votre classe de handicap, la classe 10. Quels types de handicap prend-elle en compte ?

“En tennis de table, il y a 10 classes, 5 pour les joueurs assis et 5 pour les joueurs debout. Dans la classe 10, où je suis, ce sont les joueurs qui ont un handicap, comme moi, au niveau de la jambe, mais qui ne les empêchent pas de se déplacer. Cependant, cela concerne aussi les joueurs qui ont un handicap au niveau du bras qui ne tient pas la raquette, mais seulement jusqu’au niveau du coude.”

Vous avez vécu une vie à 100 à l’heure, cette saison, avec le championnat de France avec les Loups, mais surtout, les tournois au niveau international. Expliquez-nous les règles de qualification des athlètes de para tennis de table pour les Jeux paralympiques.

“À partir de janvier 2023, il fallait que je réalise au moins quatre tournois avec le délai du 31 mars 2024, où les classements allaient être figés. J’étais au départ 3e mondial, mais j’ai fait des mauvais tournois début 2023, où je ne suis pas sorti de poule. Je suis donc redescendu au 6e rang mondial. J’ai fait un break à l’été pour être à bloc aux Championnats d’Europe de 2023 à Sheffield. J’ai terminé 3e en battant des concurrents directs au classement. En début d’année, j’ai disputé trois tournois, au Brésil, en Egypte et en Espagne, pour deux victoires et une finale. Je suis donc revenu à mon classement de départ et je suis qualifié pour les Jeux.”

En parlant des Jeux, quel est votre calendrier jusque-là ?

“Là, je viens de sortir d’un mois d’entraînement intensif. Cette semaine, je fais une pause et je pars dimanche pour un stage en Lozère. En tout, je dois encore avoir cinq stages avant les Jeux, qui seront soit en Lozère, soit à Nantes ou soit à l’INSEP.”

Pour ce qui est de la concurrence internationale, pouvez-vous nous en dire plus sur les joueurs qui seront dans votre catégorie à Paris ?

“Il y a le n°1 mondial, qui est un Polonais et qui n’a perdu que trois matchs depuis 2016. Le deuxième mondial a pris un peu d’avance, mais il reste prenable. À partir de mon ranking jusqu’à la 10e place, on forme un petit groupe homogène où le niveau ne cesse de s’améliorer.”

Vous qui devez vous affronter souvent lors des tournois, comment surprendre vos adversaires aux Jeux ?

“On travaille avec beaucoup de données informatiques pour savoir comment aborder notre adversaire, même si on commence à tous bien se connaître. Pour les Jeux, je prépare un nouveau service ainsi qu’un nouveau démarrage qui, s’ils marchent, me seront bien utiles. Sinon, je joue sur mes forces que sont les rotations et les balles avec des effets.”

Y a-t-il une saveur particulière quand on participe aux Jeux, vous qui avez vécu deux expériences complètement différentes à Rio et Tokyo ?

“C’est sûr que ce sont deux expériences qui ne se ressemblent en aucun point. À Rio, c’était la découverte où à 19 ans, je me suis arrêté en quart de finale en simple et j’ai terminé 4ème en double. À Tokyo, j’ai obtenu cette fois, une médaille d’argent, mais c’était autre chose avec l’absence du public. Une sensation vraiment différente.”

À Paris, ce sera une sensation toute autre ?

“Oui, bien sûr. Après deux Jeux paralympiques et en plus à domicile, je serai plus attendu par mes adversaires. Il y aura aussi plus d’attentes de la part du public, mais aussi de la famille qui sera présente et des sponsors qui nous accompagnent. J’ai, malgré tout, confiance en mon jeu, donc ça devrait bien se passer.”

Quelles sont justement vos ambitions lors de ces prochains Jeux paralympiques ?

“Je souhaite aller chercher au moins deux médailles. La première en simple, car en tant que vice-champion paralympique, j’ai un statut à faire respecter. La seconde en double messieurs avec Thomas BOUVAIS. Nous sommes à peu près positionnés entre les 5e et 8e paires mondiales, mais au vu de notre bonne préparation, je pense qu’on peut être vu comme de bons outsiders.”

Quels sont pour l’instant les meilleurs souvenirs de votre carrière ?

“Le premier, ce serait le quart de finale à Tokyo, car en gagnant, j’étais assuré d’avoir une médaille, due au fait qu’il y ait deux troisièmes. Le second serait le tour qui suit, la demi-finale, où je menais 2-0, je me suis fait rattrapé 2 sets partout, et j’ai dû trouver les ressources nécessaires pour m’imposer et rallier la finale.”

Trouvez-vous que les mentalités changent vis-à-vis des para-athlètes ?

“Oui, j’ai l’impression que les mentalités évoluent. Il y a de plus en plus de sportifs paralympiques qui sont sponsorisés par des marques. Les réseaux sociaux nous donnent aussi une meilleure exposition. Quant à vous, le public, que ce soit à Paris ou devant votre télévision, prenez le temps de nous regarder et vous verrez, vous allez en prendre plein les yeux.”