Dans ce deuxième acte, Hichem MOLINA, reviendra avec nous sur son début d’expérience en nous expliquant les différences qu’il a pu observer entre l’Arabie Saoudite et la France. Enfin, il nous expliquera comment il fait face à la chaleur du pays.

Bonjour Hichem, vous êtes parti en Arabie Saoudite, il y a bientôt un an, que retenez-vous de ce début d’expérience ?

“J’en retiens plein de choses. Concrètement, c’est très différent de ce qu’on connaît en France. Dans un club de ligue ou de district dans l’hexagone, on est dans la facilité. On a nos licenciés, on travaille à la saison, on a de la visibilité et le temps de faire les choses, à moins d’une catastrophe, tu ne vas pas perdre la moitié de tes licenciés d’une saison à l’autre.”

Avez-vous une pression supplémentaire quand vous travaillez ?

“Oui, mais il faut la prendre comme une pression positive. Ici, d’un mois à l’autre, tu peux te retrouver à zéro. Il suffit d’une séance où tu n’es pas au top ou dans l’animation, tu es moins bien, tu le payes cash. Dans l’état d’esprit, ils ont dix ans d’avance avec la France, mais sur le niveau de pratique, ils ont vingt ans de retard. Je m’explique, en Arabie, un jeune peut faire un club par mois. Tu n’es pas affilié à la fédération, donc, il n’y a pas de licence (pas de mutation, pas de hors délai, etc…). Tu peux quitter ton club à la fin de chaque mois.

Si tu le souhaites, tu peux faire dix clubs en une saison et jouer pour trois clubs différents en même temps, c’est un marché hyper concurrentiel. Les pratiquants ici consomment le football comme un repas au restaurant, manger deux fois au même endroit, c’est lassant (à moins que le chef soit vraiment très bon), donc, on n’a pas le choix sur le terrain, on doit être irréprochable et chaque séance doit être un événement spécial, une expérience à part et c’est cela le plus difficile. En matière d’exigence avec moi-même, je suis clairement loin de ma zone de confort.”

Comment se passe la vie en Arabie Saoudite ?

“La vie est très “safe”, ici tout est hyper sécurisé. Tu as des caméras de sécurité à chaque coin de rue. C’est hyper apaisant. Le peuple Saoudien ne sait pas résoudre les problèmes par la violence. Ce sont des gens calmes et apaisés. C’est encore plus marquant dans les stades de football. Tu peux te rendre dans la capitale avec un maillot de l’équipe rivale lors d’un classico et te poser en parcage avec les ultras. Il ne t’arrivera rien… Imaginez juste la scène d’un supporter avec un maillot de Paris au Vélodrome (virage nord) … (non finalement, il vaut mieux ne pas imaginer). Ici, cela ne pose aucun problème. Il n’y a jamais de violence dans et autour des stades.”

Comment arrivez-vous à faire face à la chaleur en Arabie Saoudite ?

“Il fait très chaud effectivement. D’ailleurs, à partir de dimanche, on change les horaires des entraînements. On va reculer les séances d’une heure de 18h à 22h, les températures sont vraiment montées depuis quelques semaines. Jusqu’à mi-avril, cela allait, mais maintenant, il fait entre 38 et 40 degrés, donc, en matière d’hydratation et de résistance à l’effort, les enfants sont dans le dur. C’est difficile de s’adapter. Quand je suis arrivé en septembre, il faisait les mêmes températures qu’aujourd’hui. De mi-mai à fin septembre, c’est vraiment l’été et il y a de très fortes chaleurs. C’est difficile, mais tu essayes de t’adapter. Je suis à vélo toute l’année donc ça pique, mais moi personnellement, je m’y suis fait. Pour les joueurs, je n’ai pas l’impression que cela les dérange, la plupart sont nés ici, ils sont déjà habitués. Dans la période qui arrive, faire du sport en extérieur avant le coucher du soleil, cela devient quasiment impossible.”

Concernant les infrastructures présentes en Arabie Saoudite, trouvez-vous une différence avec celles que vous aviez en France ? 

“Oui, en France, c’est la ville qui met à disposition les terrains, tandis qu’en Arabie Saoudite, tout est privé. Ici, si tu veux ouvrir ton club de foot, soit tu as de l’argent pour le construire, soit tu trouves des partenariats et des terrains déjà existants et tu loues. Dans le club où je suis, après un an d’ouverture, nous n’avons pas d’infrastructures propres à nous, mais je pense que dans un futur proche, ce sera un objectif. Pour l’instant, on est bien, nous sommes dans une école qui a plusieurs terrains de foot dont deux qui vont recevoir un nouveau revêtement cet été.”

Pour vos conditions de travail, trouvez-vous beaucoup de changements avec celles en France ?

“C’est différent, je n’ai pas les mêmes responsabilités. Avant, j’étais très focus sur mon équipe ou ma catégorie. C’était très football (préparation des séances d’entraînement, gestion de mon équipe…), très terre-à-terre. Aujourd’hui, c’est un poste plus global, plus transversal. On pourrait comparer ce poste à un responsable d’associations même si c’est encore plus large que cela. En Arabie Saoudite, je suis responsable de toute une localité. Je suis chargé de gérer les achats et de l’organisation des voyages. Je gère la communication avec l’école, avec les parents et la préparation des différents évènements, mais j’ai également une partie coaching et de management. “

Depuis maintenant un an que vous vous êtes rendu en Arabie Saoudite, que constatez-vous comme différences avec la France dans la vie globale ?

“C’est beaucoup plus apaisant niveau sécurité. Tu n’as pas besoin de toujours t’inquiéter si tu as fermé ta voiture, bien attaché ton vélo. Les gens sont vraiment bienveillants. Quand tu vis ici, tu te rends compte que c’est différent des clichés que l’on peut entendre. Les femmes ont le droit de s’habiller comme elles veulent. Les Saoudiens sont hyper respectueux. La vie est douce et agréable. Mais, il y a un autre revers de la vie en Arabie Saoudite que je n’apprécie pas trop. C’est toute la partie hyper consommation à outrance. Ils sont éloignés de tous les grands combats écologiques et climatiques que l’on mène en Europe, notamment en matière de développement durable, de mobilité décarbonée, loin de la résilience tout simplement. Ici, on est dans la croissance des biens à profusion. C’est choquant, de voir les portes ouvertes avec la clim allumée. Ils sont très éloignés de toute cette cause pour la nature et la sobriété. C’est un gros manque à cette population, malgré qu’ils aient beaucoup de qualités. Dans les relations humaines, les Saoudiens sont des gens très bons. Mais, dans leur rapport à la consommation et à la nature, il y a toute une sensibilisation et une éducation à faire auprès des jeunes générations.”