Actuelle assistante coach de l’équipe féminine du Fenerbahçe, championne en titre d’Euroleague, Camille AUBERT a accepté de partager avec nous son parcours en tant que joueuse, mais également en tant que coach. Durant cette interview, elle reviendra notamment sur son passage à l’Union Féminine Angers Basket, les rencontres qu’elle a pu faire en France, à l’étranger et son immersion dans le staff de l’équipe NBA des Minnesota Timberwolves.

Bonjour Camille, est-ce que vous pourriez nous présenter votre palmarès et votre parcours ?

“Je m’appelle Camille AUBERT, je suis originaire de Laval dans le département de la Mayenne. J’ai débuté le basketball, à l’âge de sept ans. J’ai signé ma première licence au club de Laval, avant de rentrer au pôle espoir à Nantes et de jouer pour les catégories de jeunes de Nantes-Rezé Basket. J’ai suivi la filière fédérale du pôle espoir, en passant par le pôle France de Toulouse, puis de l’INSEP jusqu’à décrocher mon bac en sciences économiques et sociales à Paris. J’ai donc signé mon premier contrat professionnel à dix-huit ans dans le club de Valenciennes (qui n’existe plus aujourd’hui). Ensuite, j’ai évolué dans plusieurs clubs de première et de deuxième division en France, tout en continuant mes études en parallèle (master en Management du Sport). Il y a trois ans, j’ai raccroché les baskets pour devenir entraîneur. J’ai commencé à Nice dans la catégorie U18 élite, puis j’ai été à Nantes pendant deux années avant d’assister, cette année, Valérie GARNIER dans le club d’Istanbul du Fenerbahçe.”

Vous avez joué à l’Union Féminine Angers Basket pendant plusieurs saisons (2012-2015 et 2017-2018), est-ce que vous gardez un bon souvenir de vos saisons passées en Anjou ?

“Oui, j’en garde un souvenir incroyable, j’ai gardé des amis au-delà du sport. Je suis originaire de cette région donc forcément, le Maine-et-Loire et la Mayenne sont des départements qui comptent pour moi. Ma famille habite dans la Loire-Atlantique et j’habite justement à Angers. J’adore cette ville, l’engouement qu’il peut y avoir autour du sport ici, la Dalle Angevine qui porte bien son et qui véhicule pas mal de valeurs dans le sport avec beaucoup de gens qui suivent, beaucoup de bénévoles et de supporters qui sont aussi fidèles, des partenaires qui accompagnent ces clubs. Je garde un super souvenir de mes années ici, on a vécu une montée, un titre de champion de France de Ligue 2, j’ai rencontré des joueuses et des personnes incroyables, des gens avec qui j’apprécie discuter de ses souvenirs qu’on a entre nous.”

Au vu des statistiques que vous affichiez, ces saisons-là, est-ce que c’étaient vos meilleures années quand vous étiez sous le maillot angevin ?

“Je ne suis pas trop chiffres, pas trop statistiques, j’ai toujours pensé au collectif. Je suis une joueuse de club qui fait passer l’équipe avant l’individu, c’est pour cela aussi que j’ai choisi le basket. J’ai eu beaucoup de pépins physiques et d’opérations pendant ma carrière de joueuse, donc, je sais que cela peut s’arrêter à tout moment. J’ai essayé de profiter au maximum de chaque instant. J’ai eu la chance de voyager et de rencontrer divers univers et divers clubs du championnat de France. Mais c’est sûr que quand j’étais dans ma région, à l’Angers ou à Nantes, forcément, on joue un peu plus à domicile.”

On peut constater que vous avez mis fin à votre carrière de joueuse assez jeune, lors de la saison 2018-2019, alors que vous n’aviez que vingt-neuf ans ?

“En effet, j’ai terminé ma carrière à Basket Landes. J’avais déjà évolué dans ce club des années auparavant, c’est un club chaleureux et familial, une belle région de basket et de rugby avec un club de supporters incroyables et super enthousiaste. J’évite de faire des plans sur la comète, je suis quelqu’un qui vit au jour le jour. Je me suis fait opérer trois fois du genou pendant ma carrière, à quinze, à dix-huit et à vingt et un ans. Ce sont des épreuves qui marquent dont on ne sort pas indemne, et qui marquent dans une jeune carrière. J’ai toujours essayé de prendre soin de mon corps le mieux possible. Je me suis dit que je ferai toujours en fonction de ce qui pourrait se présenter à moi. J’avais un rêve de jouer en Espagne et à l’étranger, mais c’était compliqué de plaquer les études pour partir à l’étranger. Je m’étais juré que si un jour, je devenais coach et que l’occasion se présentait de pouvoir aller au-delà des frontières, je le ferais. Donc, voilà, à l’issue de ma saison avec Basket Landes, j’ai eu l’opportunité de commencer à coacher, et de continuer à jouer en Nationale 1, mais c’était l’année du Covid, la saison a été écourtée. Et je me suis dit que c’était compliqué de mener de front ses deux carrières, donc j’ai fait un choix, et j’ai décidé d’arrêter de jouer.”

Et vous n’avez jamais eu de nouveau envie de refouler les parquets ?

“Honnêtement, je suis tous les jours dans les salles de basket. J’ai des entraînements tous les jours avec l’équipe du Fenerbahçe sous mon autre casquette. Donc, dès que j’ai un peu de temps pour moi, je préfère le passer dehors, aller courir ou marcher. Faire des sports de pleine nature, c’est cela qui m’anime, aujourd’hui.”

Après votre carrière de joueuse, vous avez commencé votre carrière en tant qu’assistant coach à Nantes, où vous avez vécu deux saisons difficiles à ce poste. Ensuite, vous décidez de prendre une année pour vous. Qu’est-ce que tout cela vous a apporté ?

“Eh bien, cela a ravivé la flamme en moi, parce que ce n’est pas facile de tourner la page, même si pour moi c’était une évidence de me tourner vers ce métier qui me passionne. J’ai quand même vécu deux années galères, avec beaucoup de défaites, des descentes à la clé. Ce sont des saisons qui sont compliquées à vivre, humainement, physiquement et mentalement. Donc, je me suis posé pas mal de questions. Quand on est dans cette spirale-là, où l’on donne beaucoup de son temps, de son investissement, on a beaucoup de remise en question. Je me suis vraiment demandé, si j’étais capable d’assumer ce rôle. C’est un travail d’équipe, on est tous dans le même bateau, c’était vraiment deux saisons difficiles. En parallèle, je faisais partie du staff de l’équipe de France U15 avec Thierry Moullec, cela me donnait une bouffée d’oxygène de retourner au contact de jeunes, pleine d’envie, de rêve et de motivation. Puis, j’ai eu l’opportunité de m’inscrire à la préparation du concours de Cadre Technique sportive et de pouvoir intégrer le pôle d’Ile-de-France. J’ai préparé le concours à fond pendant un an. Mais, je me suis dit que cette année, au-delà de la préparation au concours, elle doit me servir dans ma carrière de coach et c’est dans cette optique que j’ai commencé à réaliser quelques voyages. J’ai été à Barcelone pour voir des coachs de renommée internationale, j’ai participé à des camps, des séminaires, cela m’a vraiment fait du bien de prendre ce temps, puisque entre ma carrière de joueuse et d’entraîneur, tout s’est enchaîné. Cela m’a permis de me retrouver et de faire le deuil de ma carrière de joueuse, ainsi que de prendre le temps de savoir où j’en étais dans ma vie professionnelle.”

Durant cette année, vous avez eu la chance d’aller passer une semaine auprès de Chris FINCH, le coach des Minnesota Timberwolves, en NBA. Qu’est-ce que vous retiendrez de cette semaine ?

“Lorsque j’ai eu l’opportunité de partir faire la visite de la franchise (Minnesota Timberwolves), d’être accueilli par Chris FINCH et tout le staff, c’était comme un rêve qui se réalisait. J’ai appris beaucoup de choses et je suis vraiment reconnaissante d’avoir pu passer une semaine au contact de tout le staff. Ils ont pris le temps de m’accorder un entretien avec chacun d’eux. J’ai vraiment adoré connaître Chris FINCH et ses concepts. C’est vraiment quelqu’un de très humble, de très respectueux de ses joueurs et de bienveillant de son staff, ce sont vraiment des valeurs auxquelles je crois. Au-delà du basket, c’était vraiment un apprentissage accéléré de pouvoir passer cette semaine à ses côtés.”

Durant cette semaine, vous avez pu côtoyer les joueurs de l’équipe. Quel effet cela fait de se retrouver devant des joueurs et des entraîneurs de ce calibre ?

“J’avoue que j’avais du mal à réaliser tout ce qui s’est passé cette semaine-là. Ils m’ont mis en immersion totale avec tous les membres du staff et tous les joueurs. Je suis arrivé dans le bureau de Chris FINCH. Il m’a présenté les infrastructures et il m’a fait visiter toute la salle. Et puis trente minutes après, il avait réunion avec son staff pour préparer le match contre James HARDEN et Joël EMBIID (joueurs des Philadelphie 76ers en 2022-2023). Ensuite, je commence à sortir pour les laisser travailler, et il me dit que je suis là pour rester avec lui toute la semaine. Il m’a vraiment créé une place privilégiée et je lui serais toujours reconnaissant. J’ai pu assister à trois matchs NBA, je n’en avais jamais vu avant. On a pu échanger, il prenait le temps de débriefer après les entraînements. Il était hyper disponible, donc c’était vraiment chouette.”

Est-ce que la charge de travail que vous aviez avec le Fenerbahçe, cette saison, et celle que vous avez observée auprès de Chris FINCH est comparable ? Est-ce que l’on travaille plus d’un côté, que de l’autre ?

“Le travail est le même. Moi, déjà, j’ai la chance d’être dans un grand club, voire dans le plus grand club européen féminin, puisque cela fait deux ans qu’elles remportent l’Euroleague. On est déjà assez nombreux dans le staff par rapport à ceux du championnat de France féminin. On est déjà nombreux en Turquie, mais les franchises NBA, c’est un autre monde, le coach a des assistants, qui ont des assistants, qui ont des assistants, cela ne s’arrête plus en fait. Donc, forcément, on peut aller plus loin dans le travail, puisqu’on est moins pris par le temps. Ils ont tous leur spécialité, alors que nous, on touche un peu à tout. Comme ils sont plus nombreux, ils sont encore plus spécialisés dans leur domaine.”

Vous avez gagné l’Euroleague cette saison en tant qu’assistante coach, contre votre ancien club (Villeneuve-d’Ascq) qui plus est, mais maintenant, quel est votre prochain objectif ? Gagner en tant que coach principal ?

“Je pense qu’il ne faut pas brûler les étapes. J’ai vécu une saison incroyable, on a fait cinquante-sept matchs en huit mois, on a joué deux, voire trois fois semaine sans relâche. C’était vraiment une saison fatigante, mais passionnante, puisque le club n’avait jamais gagné les quatre trophées en une saison, c’était une saison historique sur le club. Il y a un engouement incroyable en Turquie pour le basket, donc, on a beaucoup de supporters et on a envie de leur rendre la pareille. Pour ma part, le fait de travailler aux côtés des meilleures joueuses d’Europe, voire du monde, c’est juste exceptionnel. Personnellement, mes objectifs, c’est d’y retourner et de réaliser notre back-to-back (remporter le trophée deux saisons de suite). Ce serait incroyable de gagner de nouveau l’Euroleague, mais avant de gagner le trophée, il y a tout un collectif à construire pour prendre les matchs les uns et après les autres. C’est cela que j’ai aimé cette saison, tous les matchs sont importants. Quand on est au Fenerbahçe, il faut tout le temps gagner et avec la manière. Donc, tous les jours, toutes les semaines, tous les mois, on a la pression de gagner tous les matchs. Avant de penser aux trophées, avec le staff et Valérie GARNIER, on pense surtout à la manière de construire le collectif.”

Pourrait-on vous retrouver au même poste la saison prochaine ?

“Oui, j’ai prolongé pour une saison, même si on sait que rien n’est acquis. En Turquie, cela peut aller très vite dans un sens, comme dans l’autre. On profite de chaque instant, on travaille dur pour essayer de réaliser nos objectifs, mais encore une fois, c’est un plaisir puisqu’on travaille tous ensemble dans la même direction.”

Si vous deviez choisir dans votre carrière de joueuse et de coach, votre plus beau souvenir ?

“C’est difficile à dire, parce que j’ai eu la chance de vivre de belles émotions. En tant qu’entraîneur, je ne pensais pas vivre autant de choses, de remporter l’Euroleague. Quand j’ai soulevé la coupe, c’était vraiment une sensation incroyable. Jouer contre Villeneuve-d’Ascq en finale, cela me permettait de faire un petit clin d’œil à la saison que j’ai passée là-bas. J’étais contente de pouvoir voir que le basket français pouvait rayonner en Europe. Dans ma carrière de joueuse, c’étaient les montagnes russes. Je me souviens qu’à dix-huit ans, quand j’ai joué contre mes idoles, Sue BIRD et Diana TAURASI, j’avais des étoiles dans les yeux. Il y a aussi la montée avec l’Union Féminine Angers Basket, quand on gagne des titres et que l’on vit des saisons quasi parfaites, forcément, cela reste gravé dans nos mémoires. Je n’oublie pas toutes mes années, où j’ai porté le maillot de l’équipe de France, c’était un honneur pour moi. Quand on porte le maillot de l’EDF et que l’on chante la Marseillaise, c’est toujours assez spécial. Mais au-delà de ces moments, ce sont surtout les rencontres que j’ai pu faire dans ma carrière, les joueuses avec qui j’ai pu évoluer. C’est surtout cette richesse-là que j’ai gagnée.”

Pour terminer, vous parlez du rayonnement du basket à l’étranger. Récemment, on a deux jeunes joueuses qui ont été draftées au premier tour en WNBA (Leila LACAN de l’UFAB et Carla LEITE de Tarbes). Pour vous, on peut dire que le basket français féminin à un bel avenir ?

“Clairement, cela se voit dans les résultats que peuvent avoir les équipes de France jeunes, tous les Etés. Elles glanent des médailles, notamment des médailles d’or dans beaucoup de catégories. Je crois que le basket, c’est le deuxième sport le plus pratiqué par les femmes en France. Donc, il faut continuer à former nos jeunes. Il y a des joueuses qui ont des potentiels intéressants pour être la relève de demain.”