Actuel recordman du marathon couru le plus rapidement en costume, Emmanuel Bonnier a pu rentrer en 2023 dans le cercle, très fermé, du Guinness World Record. Il lui aura fallu 2h 40m 50s pour passer la ligne d’arrivée en 10e position, malgré la contrainte qu’il s’est imposée. Il reviendra avec nous sur son record et la manière dont il l’a préparé ainsi que ces futures compétitions et objectifs.

Bonjour Emmanuel, est-ce que vous pourriez vous présenter, vous et votre parcours ?

“Je suis angevin d’origine, j’ai 36 ans et je cours depuis 7 ans sur à peu près toutes les distances avec une petite préférence pour les marathons, qui sont mes courses de prédilections. J’ai également effectué des ultras trails, de 100 km où j’ai effectué de bonnes performances donc je pense que je vais continuer à allonger les distances dans les années à venir.”

Qu’est-ce qui vous a donné envie de commencer à pratiquer la course à pied ?

“C’était un défi lancé par mes frères, qui était de courir un marathon. Je ne courais pas du tout à ce moment-là, je courais une fois tous les 2 mois, un dimanche de temps en temps. Donc c’est devenu un objectif, j’ai commencé à suivre un programme d’entraînement, à m’entraîner sérieusement. J’ai vite progressé et j’ai pris le goût de l’effort et de la performance. Mon moteur, c’est de m’améliorer au niveau des chronos, de repousser mes limites. À la suite de ce marathon où j’ai plutôt bien performé pour un premier, ça m’a donné envie de continuer, surtout pour voir mes chronos descendre.”

Vous vivez de la course ou il s’agit d’un hobby pour vous ?

“Non pas du tout ! C’est un hobby, j’ai plusieurs activités qui m’occupent pas mal donc c’est une contrainte au niveau de l’agenda, mais c’est aussi un moyen de décompresser du travail. La course, c’est bien pour cela, mais ça demande beaucoup d’organisation puisque je m’entraîne plusieurs heures par semaine. Il faut réussir à caler tout ça avec la vie de famille et un enfant d’un an et demi. Ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas du tout le niveau pour pouvoir en vivre.”

Comment vous est venue l’idée de faire un marathon en costume ?

“C’était vraiment pour la rigolade. Je venais de voir qu’un athlète avait battu, début 2023, le record du monde du marathon couru en marche arrière. Cela m’a beaucoup inspiré donc j’ai regardé les autres records qui pouvaient être battus. Il y en avait énormément. La plupart étaient faciles à battre, car les chronos n’étaient pas très bons. Je voulais en prendre un qui était difficile à battre avec un chrono difficile à réaliser même sans déguisement et j’ai trouvé celui-ci, qui avait un record à 2h42, ce qui est déjà un très bon chrono pour un marathon. Le costume, c’est ma tenue de travail de tous les jours, donc ça me plaisait bien de pouvoir tester ça.”

Quelles contraintes cela rajoute de courir en costume ?

“C’est surtout la gêne au niveau de l’amplitude des mouvements. On est un petit peu étriqué dans un costume trois-pièces. Il y a pas mal de conditions à respecter pour le record : chemise, gilet, veste, cravate. Ce sont des couches qui se superposent, qui limitent les mouvements des bras. Au niveau du bas, un pantalon est moins confortable qu’un short pour courir. À chaque pas, je consomme plus d’énergie qu’en tenue de running. C’est ça, qui, au bout de 42 km, commence à devenir fatigant. C’était la principale difficulté avec la chaleur. La superposition des couches, la transpiration, les gouttes qui restent sur les vêtements… La plus grosse difficulté reste quand même la gêne des mouvements, même si on ne s’en rend pas compte tout de suite. Au bout de 40 ou 50 000 pas, on commence à comprendre  l’énergie que l’on perd.”

La contrainte était de courir en costume, mais seulement pour le haut du corps ou vous aviez des obligations au niveau du bas ?

“C’était un costume complet avec pantalon, veste, chemise et gilet. Pas de contraintes au niveau des chaussures. Heureusement, on a le droit aux chaussures de running. Il y a un autre record avec la contrainte des chaussures de ville, mais j’ai préféré faire sans cette contrainte et pouvoir courir plus vite.”

On sait que durant les marathons il y a du public tout le long du parcours, est-ce que vous vous sentiez observé quand vous couriez ?

“Ah oui bien sûr, pendant tout le parcours. C’était vraiment trop bien, on me repérait. J’avais été pas mal annoncé dans des articles en amont du marathon. Il y avait pas mal de monde qui m’attendait pour prendre une vidéo quand je passais. J’étais l’attraction du marathon, j’ai dû avoir plus d’encouragements que le premier du marathon (rire). Ça a fait beaucoup rigoler, mais c’était l’objectif. Même au sein des coureurs, il y en a qui savait. J’ai terminé 10e du marathon et il y a quelques gars qui voulaient faire ce chrono-là. Ils m’ont donc suivi sur les premiers kilomètres. J’ai des amis qui m’ont suivis qui étaient mes lièvres et témoins du record. Ils étaient sur le marathon relais pour m’aider à aller au bout sans trop de difficultés.”

Quel était votre programme d’entraînement pour cette course ?

“J’ai fait une prépa marathon normale, en tenue de sport sur des bases d’un marathon que j’aurai sûrement couru aux alentours de 2h30 sans costume. J’ai fait quelques sorties longues en costume, pour tester les frottements, voir comment le costume allait réagir aux contraintes que j’allais mettre dessus. Il s’est déchiré un peu de tous les côtés. Dans l’ensemble, j’ai fait une prépa normale, mais je visais un chrono donc quand je faisais des sorties longues où je mettais des blocs en allure marathon. Je savais que c’était faisable et dans mes capacités. Je savais que ça allait être difficile, c’était un challenge et c’est clairement ce que je voulais.”

Quel effet ça fait de se dire que l’on est dans le Guinness World Record ? C’est une fierté pour vous ?

“Franchement, c’est super ! Après, je sais que dans l’absolu, ça ne vaut pas grand-chose. Il y a des milliers de coureurs dans le monde qui sont plus rapides que moi sur un marathon et qui demain, pourraient battre le record s’ils décidaient de courir le marathon en costume. Il faut garder les pieds sur terre, je suis recordman du monde parce que j’ai décidé de le faire, c’est tout. Il y en a beaucoup qui n’arriveraient pas à faire ce chrono même sans costume et il y en a beaucoup qui pourraient battre le record s’ils le souhaitaient. Ça reste quand même une fierté surtout de le battre lors de la course. Sur toutes les courses et surtout les marathons, tout le monde le dit, on ressent beaucoup d’émotions au passage de la ligne d’arrivée, car c’est une concrétisation de plusieurs mois d’entraînements, la fin de plusieurs heures de douleurs. J’étais attendu par les commentateurs à l’arrivée donc ça a multiplié les émotions. Le fait de vraiment réussir et constater que j’ai battu le record, c’était encore mieux que de battre mon record personnel sur un marathon.”

Est-ce que, durant les jours et semaines qui ont suivi, vous avez été sollicité par des médias pour parler de votre record ?

“Surtout, par des journalistes, j’ai eu pas mal de contacts et d’articles jusqu’à même passer sur France 2. Ça a un peu fait le buzz, j’ai été repartagé sur Run-ix qui est la plus grosse page de running sur Instagram. C’était super sympa, super marrant. J’ai, très volontiers, accepté toutes les sollicitations jusqu’à aujourd’hui même. Je ne m’attendais pas du tout à ça et j’en profite, je ne vais pas dire le contraire. Je suis invité sur beaucoup de course, qu’elle soit locale ou non. C’est toujours une anecdote marrante à mettre en avant par les commentateurs ou par l’organisation de la course de dire qu’il y a un recordman du monde, bien que ma performance ne vaille pas grand-chose (rire). Ça fait rigoler les gens donc l’objectif est rempli.”

Vous avez d’autres projets dans ce style-là à l’avenir ?

“Oui, c’est sûr qu’il y en aura d’autres. Je me suis dit que je voulais battre des records de marathon dans d’autres tenus. J’ai aussi pas mal d’objectif, purement dans la performance, pour améliorer mes chronos sur des grandes distances et des courses plus longues comme des ultras. Je ne me prends pas la tête, je ne me presse pas, je sais que j’en referai d’autres parce que l’ambiance est vraiment cool. Par contre, je ne sais pas encore quels records je vais essayer de battre.”

Vous savez quel sera votre prochain marathon ?

“Le prochain sera le “marathon pour tous”, c’est pendant les Jeux olympiques. Le 10 août, il y a l’épreuve le matin et le soir à 21h il y a le “marathon pour tous” sur le même parcours, en nocturne. Ça va être le marathon le plus médiatisé, le plus fou, peut-être de tous les temps. Il n’y avait que 25 000 places, mais on ne pouvait pas acheter son dossard, c’était sur concours ou invitation. Il y a des millions de personnes qui ont voulu leur dossard, mais je fais partie de ceux qui ont eu un dossard. Je remets le costume pour l’événement. Je serai en partenariat avec une marque qui me sponsorise. Je vais revivre une superbe expérience, car il y a beaucoup plus de monde que dans les autres marathons, tant sur le parcours que dans les spectateurs. Ça va être très sympa à refaire !”

Ce dimanche, vous allez participer au trail des ragondins. Vous êtes à combien de participation à cet événement ?

“Le trail des ragondins, j’y ai participé pas mal de fois. J’ai fait les deux dernières éditions que j’ai gagné. Ma première participation était en 2017 où j’avais fini 135e.”

Votre objectif est de remporter la course une 3e fois de suite ?

“Oui, bien sûr, c’est l’objectif. Après, tout va dépendre des participants. Je sais qu’il y aura le 2e et le 3e de l’année dernière. Il va y avoir une belle compétition et il peut toujours y avoir des coureurs qui sont meilleurs que moi qui s’inscrivent. On verra ça sur la ligne de départ. J’y vais au moins pour le podium, si je peux faire le triplé et le gagner pour la 3e fois consécutivement, ce sera super !”