Rencontre avec Marie-Ève PAGET, basketteuse professionnelle au sein du club de Basket Landes, mais également joueuse de l’équipe de France en basket 3X3. Elle nous racontera sa préparation pour les JO 2024, reviendra sur cette défaite aux Jeux de Tokyo et sa soif de revanche !

Bonjour Marie-Ève PAGET, tout d’abord, pouvez-vous, vous présenter en quelques mots ?

Je suis basketteuse professionnelle de 5X5, et cette année, j’ai été professionnalisée en 3X3, pour préparer l’échéance des jeux. Je suis passée durant ma carrière par les clubs d’Annecy, Challes-les-Eaux, Nice, Angers, Charleville-Mézières et Mont-de-Marsan.

Justement, le basket 3X3, la discipline dont vous avez été professionnalisée cette année, est une discipline qui est apparue aux Jeux Olympiques, seulement à partir de 2020, à Tokyo. En quoi consiste brièvement cette discipline, encore méconnue ?

Le 3X3 reste toujours du basket, c’est la même finalité, il faut marquer un point de plus que son adversaire. Les différences par rapport au Basket 5X5, c’est que les matchs durent dix minutes ou 21 points. Les points se comptent différemment, un 3 points du 5X5, vaut deux points au 3X3, et un 2 points au 5X5, valent un point au 3X3. Les fautes sont collectives, la possession de balle est de douze secondes, donc ça va beaucoup plus vite ! On est trois joueuses sur le terrain avec une remplaçante, et on joue sur un demi-terrain.”

Ainsi, c’est nettement plus intense que le basket 5X5 ?

“Oui, tout à fait, c’est un peu l’image du rugby à 7, comme il y a plus d’espace à couvrir, et surtout, les possessions s’enchaînent, et l’arbitrage est un peu plus permissif vis-à-vis du contact, ainsi on débauche beaucoup plus d’énergie. C’est beaucoup plus intense, car il n’y a pas beaucoup de moments de latence, en général au 5X5, on peut se retrouver à marcher sur une possession, ou quand on n’est pas concernés par un mouvement fort du système, on est un peu à l’arrêt. Alors qu’au 3X3, on est toujours concernés, toujours en mouvement, donc c’est pour cela que c’est beaucoup plus intense.”

Malheureusement, votre souvenir de ces premiers Jeux Olympiques au basket 3X3, doit être un souvenir mitigé, en effet vous perdez contre la Chine, ce qui vous prive de podium, et vous laisse seulement la quatrième place ! Comment vous faites pour rebondir face à cet échec, et vous remobilisez pour les échéances à venir ?

“On n’a pas le choix, ce qui s’est passé à Tokyo, c’est passé à Tokyo, évidemment, c’est une déception, car on était venu pour ramener une médaille, et on se retrouve au pied du podium ! Mais, on a rebondi très vite après, parce qu’au final, ça fait partie de la vie, des fois, on va réussir, des fois, on va louper. Le plus important, c’est de voir, qu’est qui n’a pas marché pour s’en resservir derrière, et rebondir mieux ! Tout de suite après ses jeux, on a fait une médaille de bronze au Championnat d’Europe, et l’été d’après, championne du Monde. On a finalement plutôt bien appris de ce qui s’est passé, on est des compétitrices, faut le prendre comme une expérience, au lieu de se morfondre toute sa vie ! “

Et puis les JO de Paris était peut-être pour vous une motivation, un objectif après cette défaite, de se surpasser, et de décrocher cette fois-ci une médaille ?

C’est sur les JO, c’est une motivation supplémentaire, quand je suis sortie de Tokyo, la première chose que j’ai pensée, c’est que dans trois ans, cela ne se passera pas comme ça ! Après, on est que deux de notre groupe aujourd’hui, à avoir participé aux Jeux de Tokyo, donc cette histoire, elle appartient à nous deux, plus à l’ancien groupe. Aujourd’hui, on a une nouvelle histoire à écrire, évidemment pour nous avec Laëtitia, c’est une motivation supplémentaire, en plus de toutes les autres que l’on partage avec le groupe. Ce sont des Jeux à la maison, cela va être un événement exceptionnel !”

Comment se déroule la préparation physique que vous devez appliquer, afin d’être prête pour fin juillet ?

“Alors, il y a deux phases, les phases où on est en stage ensemble, sur un an, on est 265 jours en stage et les 100 autres jours, on est chez nous. Quand on est en stage, c’est comme un stage Équipe de France, on s’entraîne deux fois par jour, des fois une, sur une durée de 1h30 à 2h. À l’inverse du 5X5, on a beaucoup plus le temps de s’entraîner, on a le temps de se développer individuellement (physiquement, techniquement, tactiquement), ce sont des choses qu’on fait moins en club, car forcément, on s’occupe beaucoup plus du collectif. Une journée type, le matin, on a du développement physique (musculation, cardio…), et l’après-midi, un peu plus de basket. Les jours où nous sommes chez nous, c’est nous qui devons nous entraîner seule, sur des grosses séances de 1h30 ! Concernant, les compétitions, la grande difficulté pour nous, c’est de passer d’un à deux matchs pour certaines, par semaine, à une compétition tous les deux mois. On a affronté des adversaires un peu partout en France, on a joué contre des garçons, on a eu la ProLigue, où on a pu rencontrer des équipes internationales.”

 Sur cette préparation, vous êtes huit joueuses, et seulement quatre seront sélectionnées pour participer aux JO, cela n’est pas trop stressant d’avoir cette pression d’être sélectionné ou non ?

“Pour l’instant, on ne sait pas qui aura la chance de représenter la nation aux JO, parce que notre sélection n’est pas encore officielle. Mais cela ne sert à rien d’être stressé, car déjà, c’est long, chaque jour suffit à sa peine, il faut savoir profiter de l’instant présent, il faut prendre cette préparation comme une chance de pouvoir se développer. Aujourd’hui, on rentre dans un processus de sélection, et on arrive dans la dernière ligne droite, forcément la pression va un peu plus monter ! L’enjeu, il est là, on le sait, le but, c’est de se concentrer sur le travail qu’on produit !”

Mais la particularité de votre préparation, c’est qu’elle se fait en même temps, que le championnat, vous devez laisser ainsi votre équipe de Basket Landes jouer sans vous ! Cela n’est pas trop difficile et frustrant en tant que capitaine de cette équipe, de ne pas pouvoir participer à leurs victoires ? On sait notamment qu’elles ont fini troisième du championnat, et elles sont vice-championnes de France !

“La seule chose qui est frustrante, c’est que moi quand je m’engage, je déteste ne pas honorer mes engagements, donc forcément quand je me suis engagée pour trois ans, ça signifiait aller au bout de mon contrat. Mais aujourd’hui, j’étais aussi engagé dans l’Équipe de France 3X3, et ils savaient à quel point les Jeux étaient importants pour moi. Je ne suis pas du tout frustré, au contraire, je suis très contente, qu’elles ont rebondi avec notamment une recrue de qualité qu’est Alexis Peterson, je n’étais pas très inquiète pour Basket Landes. En plus, au vu de leur saison avec deux finales, elles auraient mérité d’avoir un titre ! Elles ont fait une saison incroyable, elles nous ont fait vibrer, je les ai suivies toute la saison, je suis aucunement frustrée, c’était leur histoire, moi, je suis dans un autre projet.”

Et donc, justement vous venez tout juste de terminer une compétition qui se déroulait à Gap, qui reprend un peu le modèle des JO, c’est le Big Twelve, vous l’avez gagné en plus ! Comment avez-vous senti cette compétition, plutôt de bon augure pour les Jeux, ou à l’inverse, plutôt difficilement ?

“Alors sur une semaine le format olympique c’est premier jour, un match, deuxième jour, un match, troisième et quatrième jours, il y a deux matchs, et cinquième jour, un ou deux matchs, en fonction de si on a un quart de finale. Après, il y a le jour de repos, puis s’ensuit, la demi-finale et la finale. Ce qui est bien, c’est qu’on a pu vraiment se rendre compte de l’effort physique, que ça allait fournir, de la concentration qu’il fallait fournir également sur l’ensemble d’une semaine, les Jeux, c’est une sorte de marathon ! On sait que la phase des poules est très longue, et que les phases finales sont très courtes, on a ainsi pu se rendre compte de ce que cela donnait. Après bien sûr, l’adversité qu’on a pu rencontrer, ne sera pas celle qu’on aura aux Jeux, on en est consciente et on le prend bien évidemment en compte. C’était vraiment une belle chose en termes d’expérience, d’avoir eu la chance de pouvoir faire ce genre de tournoi, parce que cela nous donne au moins une idée de comment gérer, de comment aussi on appréhende le jour off, est-ce qu’on fait un entraînement ou pas. Mais aussi de savoir comment on gère notre récupération entre les jours, entre les matchs au sein de la même journée. On a pu expérimenter tout ça, c’était important de le faire, et ça nous servira forcément pour la suite !”

Comment vous vivez l’ampleur que les JO prennent en France, on en parle de plus en plus, la flamme Olympique est en ce moment en train de se déplacer, dans toute la France ? Comment gérer ce mélange de pression et d’excitation, afin de rester focaliser dans la préparation ?

“Je pense qu’on ne fait pas abstraction, je pense que c’est nourrissant de voir tout ce qui se passe, c’est excitant, ça signifie que ça se concrétise, moi, les Jeux ce n’est pas depuis la flamme que j’en entends parler tous les jours, c’est depuis déjà quelques mois. Toutes les personnes qui interagissent avec nous parlent évidemment de cela, on a aussi plein de sollicitations médiatiques, forcément cela nous anime au quotidien. Cependant, il faut rester concentré, parce qu’on a un objectif, et ce n’est pas en s’éparpillant qu’on va réussir. C’est au final, donner le temps de se nourrir de toutes ses sollicitations, de voir l’excitation et l’engouement que ça crée en France. Mais c’est aussi, surtout, se protéger de tout cela, on connaît l’enjeu, mais ça ne sert à rien de se projeter, et de se mettre une pression supplémentaire, elle est déjà assez grande comme ça. Il faut se concentrer sur nos entraînements, et c’est ça qui permet de modérer tout cet engouement, qui va monter crescendo jusqu’aux Jeux. Néanmoins, il faut profiter, se mettre dans l’ambiance, car ça fait partie de la magie des Jeux, et que cela n’arrive qu’une fois dans une vie, de participer aux JO à Paris.”

Pour conclure, avez-vous un dernier mot pour le public, afin de l’inciter à suivre les Jeux Olympiques cet été et notamment le basket 3X3 ?

Alors déjà, les Jeux Olympiques à la maison, c’est une fois par siècle, tout le monde ne sera pas en mesure de participer, de près ou de loin, aux prochains en France, donc il faut saisir cette opportunité. Il faut se nourrir de tout ce qui va se passer, il faut soutenir tous nos athlètes olympiques, paralympiques. Mais également, tous les athlètes du monde, car je pense qu’il va avoir des grands moments, et de sacrées performances. Le sport, c’est quand même une école de la vie, de pouvoir avoir la chance d’avoir ça sur son territoire, et de pouvoir le voir au plus près, c’est une chance incroyable ! Et pourquoi suivre le 3X3 ? Et bien parce qu’on a une vengeance à prendre par rapport à Tokyo, on avait déjà séduit le grand public, au dernier JO, avec notre histoire. Aujourd’hui, peu importe, quelle équipe sera alignée, il y aura une histoire à raconter, et on a besoin de tout le monde. Je crois pertinemment que dans l’arène, on ne sera pas quatre contre quatre, mais 5 004 contre 4, et c’est ça qui fera la différence. J’espère que les gens vont nous suivre, ça ne dure pas longtemps, c’est vingt minutes, le temps d’une pause-café !”