De la Roseraie à Doha, retour sur le parcours atypique d’Hichem MOLINA qui, après plus de quinze ans en tant qu’éducateur et plus récemment caméraman pour la F.F.F., analyste vidéo et coach de l’équipe première de la Croix Blanche Angers Football (Régional 3), se retrouve au Qatar, dernier pays hôte de la coupe du monde. Âgé de trente-trois ans, l’angevin passionné de football s’est engagé avec la F.F.F. Academy en Arabie Saoudite, il nous raconte son aventure exceptionnelle.
Bonjour Hichem, pouvez-vous nous expliquer votre rôle au sein de la F.F.F. Academy ?
“La F.F.F. Academy est une entité sous l’égide de la Fédération Française de Football décentralisée à l’étranger. Il existe quatre académies F.F.F., à travers le monde : Singapour, New York, Montréal et l’Arabie. D’autres fédérations ont lancé leur academy comme récemment la fédération brésilienne.
Une académie fonctionne exactement comme un club, mais à plus grande échelle et est régie par un cahier des charges bien précis émanant de la Direction Technique Nationale (D.T.N.). La volonté de la F.F.F., à travers les académies, est de partager ses connaissances et sa méthodologie pour le développement du football local. Les principales missions de la F.F.F. Academy au Moyen-Orient sont de former et de suivre les joueurs de la région en étroite collaboration avec les clubs et les fédérations locales.”
C’est peut-être l’opportunité d’une vie, comment s’est-elle présentée à vous ?
“Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, tout va très vite. J’ai tout simplement postulé de manière spontanée en ligne et un mois plus tard, on m’a proposé de venir faire un essai de deux semaines.
C’était un peu délicat pour moi, car nous étions en fin de saison et nous jouions le maintien avec le club de la Croix Blanche Angers Football. J’ai dû quitter le groupe dans une période compliquée entre l’avant-dernière et la dernière journée de championnat, mais j’avais confiance en mes joueurs et en leur capacité à atteindre nos objectifs.
Pour mon plus grand bonheur, le jour de mon retour pour notre dernier match, j’ai pu signer un contrat de deux ans (à la F.F.F) et finir la saison sur une victoire synonyme de maintien. J’en profite pour saluer tous mes anciens joueurs, mais aussi mes dirigeants et amis du club de la Croix Blanche Angers Football, comme Pascal REY (président), Richard TAUDON (vice-président) et l’ensemble du club pour la qualité de leur travail et leur grandeur d’esprit.”
Comment s’est passé le recrutement à la F.F.F. ?
“J’ai effectué une mise en situation durant quinze jours, où j’ai animé des séances d’entraînement en français, en anglais et en arabe, dans deux villes du royaume (Dammam et Riyadh).
J’ai tout de suite accroché avec le public, l’environnement, les infrastructures, la météo, la qualité de vie et le dynamisme de l’équipe.”
En quoi consiste votre fonction et parlez-nous de vos responsabilités ?
“En tant que directeur technique, je suis responsable de la planification et la création des séances, le management et la formation d’une équipe de six coachs, la logistique, la gestion du matériel, les partenariats et la communication.
Je suis également chargé de tout ce qui gravite autour de ce que nous proposons au licencié, comme l’analyse vidéo ou le suivi de la performance. Je suis également en charge de l’événementiel comme l’organisation des voyages à l’étranger et des tournois.”
Pendant cette coupe du monde, la F.F.F. Academy a fait bénéficier à ses jeunes adhérents d’une expérience unique. Vous étiez aux premières loges en tant qu’accompagnateur. Quel retour global de leur expérience vous ont fait ces jeunes ? Qu’en avez-vous pensé personnellement ?
“C’était une première pour tous, joueurs comme accompagnateurs. Clairement, on en a pris plein les yeux. Le Qatar est un pays magnifique et des millions de personnes ont pu voir la qualité et le niveau de vie dont bénéficient les gens au Moyen-Orient. La première chose importante qui m’a marqué, c’est la sécurité, des millions de supporters rassemblés dans une seule ville et aucun débordement. En tant qu’accompagnateur de groupe, notre plus grande priorité était la sécurité de nos joueurs. Durant notre séjour, nous avons ressenti ce sentiment de “full safety” (sécurité totale) et nous avons pu profiter du moment présent. Concernant les matchs et l’organisation, le Qatar a gagné son pari de faire de chaque match un événement à part. Je pense que c’est la plus-value de cette coupe du monde. Chaque rencontre était une finale avec les cérémonies d’ouverture, les concerts, les shows et les représentations autour du stade le jour des rencontres, y compris dans le métro. Concrètement, une fois dans la ville, l’ambiance de la coupe du monde était omniprésente. Le manque de place et la centralisation, qui étaient censés être un problème, sont devenus un avantage. Cela a fait que tous les supporters, toutes les équipes ont été au même endroit, pour une immersion totale tout au long de la compétition.”
Quelles sont les similitudes et/ou les différences entre le football français et saoudien ?
“Pour moi, ce sont deux mondes complètement différents et ce, pour plusieurs raisons. En France, le maillage local (départemental et régional) par le biais des clubs est très renforcé, ce qui fait que la masse de joueurs est visible, quantifiable et disponible. Tous nos bons joueurs sont naturellement orientés vers les grosses structures et les centres de formation, même s’il y a des joueurs qui passent à travers les mailles du filet, les pertes restent minimes.
En Arabie, c’est différent, il n’existe pas de championnats départementaux ou régionaux et chaque academy fonctionne en autarcie de manière autonome.
La SAFF (Fédération Saoudienne) n’organise pas ou très peu (uniquement pour les grands clubs) les compétitions locales. Le système d’entonnoir, qui permet de filtrer et d’orienter les meilleurs joueurs n’existe pas ici… Donc, forcément, il y a beaucoup de déperditions.”
“Autre disparité, l’accès au sport et la diversification des pratiques. En France, les enfants commencent le sport très tôt, peu importe la pratique. Au niveau motricité, ils sont très avancés et développent des qualités physiques et athlétiques qui les aident dans leur spécialité. J’ai vu parfois des enfants commencer le football à onze ou douze ans et devenir rapidement très performants, car ils arrivent avec un “bagage” moteur important en matière de coordination et de motricité.
Ici, ce n’est pas pareil, les enfants ont un gros déficit moteur, ce qui les pénalise techniquement. Il y a un autre facteur important, la météo. Le pays est chaud et la pratique sportive en extérieur reste difficile, une partie de l’année, ce qui peut être un frein.
Concrètement, le ministère des sports saoudiens en est aujourd’hui à l’étape du “manger bouger” que nous avons connu en France, il y a quelque temps.
En matière de stratégie, nous avons pris tous ces facteurs en compte et nous avons axé notre travail sur le terrain dans ce sens, coordination, motricité, travail technique, etc… Nous favorisons la simplicité et la répétition pour élever le niveau de jeu de nos joueurs.
Globalement, il y a beaucoup de choses à faire, mais le tout reste positif, l’accès au sport est facilité avec en ligne de mire le projet “vision 2030″ véritable locomotive du pays favorisant l’avancée et le développement (avec des moyens quasi illimités) dans tous les secteurs.”
Pour terminer, y a-t-il d’autres événements ou projets similaires sur lesquels la F.F.F. Academy prévoit pour ses adhérents ?
“Il y a plusieurs échéances majeures prévues cette saison (qui sera bien chargée), à commencer par le voyage en France pour nos adhérents, qui seront reçus à Clairefontaine, mais aussi l’organisation d’un tournoi international avec les différentes académies F.F.F. présentent à travers le monde. Il y aura aussi d’autres projets avec plusieurs partenariats en cours de finalisation avec des acteurs du monde sportif comme l’entreprise footbar, qui va permettre à nos licenciés d’utiliser un outil de pointe pour le suivi de la performance via son capteur “météor”.
Pour nous, cette première année est une saison placée sous le signe de la confiance. Nous venons à peine d’arriver sur le territoire et nous avons besoin de tisser des liens forts avec des partenaires historiques, afin de pouvoir faire avancer ensemble le football dans la région. Nous avons la chance d’avoir d’excellentes relations avec la DTN Saoudienne par l’intermédiaire de Nasser LARGUET ou encore dans un registre un peu plus institutionnel (mais très important) le soutien de l’ambassadeur de France, Ludovic POUILLE, qui participe activement au soutien du développement de l’Academy dans le royaume.”