À plus de 2 700 milles à l’Ouest du leader Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild), ses deux premiers poursuivants progressent dans l’océan Pacifique au coude-à-coude. Un peu plus de 400 milles les séparent avec un avantage pour le skipper du Maxi Banque Populaire XI. Mais tout reste à faire, alors qu’ils sont attendus au cap Horn ce week-end.

Il s’agit d’un luxe dont peu de marins peuvent se targuer. Thomas Coville (55 ans) et Armel Le Cléac’h (46 ans) font partie de ceux qui savent ce qu’est un tour du monde. De ceux qui connaissent la rudesse et les caprices des océans, qui peuvent endurer longtemps les difficultés et la solitude et qui sont capables, in fine, d’endurer une circonvolution. Ils connaissent le parcours : le skipper de Sodebo l’a disputé à huit reprises (quatre en solitaire, quatre en équipage, six en multicoques), celui du Maxi Banque Populaire XI à trois reprises, trois Vendée Globe dont une victoire et un record depuis conservé (74 jours et 3 heures). Ils ont conscience, aussi, qu’il n’y a rien de mieux pour conserver l’émulation en course que de batailler avec un compagnon de route. Et ça tombe bien : c’est ce qu’ils vivent en ce moment.

“Un privilège de disputer ce match dans le match”

Pour revenir à la genèse de ce match dans le match, un flash-back s’impose. Longtemps, Thomas Coville est resté à proximité du duo Caudrelier-Laperche, dans le même système météo, avant que son avarie de foil ne le décroche de la tête de course. Derrière, Armel Le Cléac’h, premier skipper de la course à avoir effectué une escale, à Recife (Brésil), a dû batailler en contournant l’anticyclone de Sainte-Hélène par le Sud. Il y a eu jusqu’à 1 500 milles d’écart entre les deux hommes ! Et puis l’avance de Thomas Coville s’est réduite au fil de sa progression dans l’Indien. L’escale du skipper de Sodebo en Tasmanie a permis à Armel de prendre les devants et de conserver son avance malgré sa route Nord autour de la Nouvelle-Zélande pour éviter une dépression virulente. Thomas a dû lui aussi faire le dos rond après avoir quitté Hobart et repris la route. Depuis lundi, les deux hommes, séparés alors de 350 milles, pointent leurs étraves à l’Est toute.

Longtemps, Armel ne faisait pas d’un retour sur Thomas une priorité, préférant se focaliser sur sa trajectoire et sa gestion du bord. « Pour l’heure, je ne pense pas à lui, je suis concentré sur ma route tout en veillant à mon bateau », confiait-il lors de son passage du Cap Leeuwin.

Mais il reconnaissait que se rapprocher de Sodebo Ultim 3 lui “faisait plaisir”. “Après avoir été longtemps isolé, c’est agréable d’être à nouveau au contact avec un autre bateau, de retrouver l’esprit de compétition”, précisait-il. Thomas non plus ne boude pas son enthousiasme. Il l’a évoqué lundi dernier lors d’un échange avec des journalistes : “Je bataille avec Armel Le Cléac’h et c’est un privilège de disputer ce match dans le match avec lui.”

Le cap Horn en ligne de mire.

Hier, ils ont tous les deux empanné afin de se recaler dans le Sud pour bénéficier d’un flux de secteur Ouest, Nord-Ouest. Dans cette longue cavalcade vers l’Amérique du Sud, l’avantage est toujours à Armel Le Cléac’h qui a légèrement creusé son avance ces dernières heures. Sur la route directe, elle s’établit à près de 400 milles.

Thomas, qui s’est réjoui d’avoir entrevu le soleil hier pour la première fois depuis son entrée dans le Pacifique, résume la situation du moment : « avec Armel, on suit Charles qui est un peu loin, mais nous sommes côte à côte ». La suite, c’est un mythe à franchir : le cap Horn. « C’est toujours un moment grandiose : tu quittes un endroit où tout est hostile pour retrouver l’Atlantique, c’est le cap de Bonne délivrance », s’amuse Thomas. Les deux hommes devraient l’atteindre ce week-end, le skipper du Maxi Banque Populaire XI vraisemblablement samedi après-midi, celui de Sodebo Ultim 3 dimanche matin ou midi.