Quatre des six solitaires engagés sur l’ARKEA ULTIM CHALLENGE – Brest ont sorti leur multicoque de la zone dépressionnaire qu’ils ont dû affronter ces dernières heures. Un soulagement pour tous, désormais à la recherche des premiers souffles des alizés.

Affronter une dépression en solitaire en ULTIM, c’est un peu comme les coups de marteau sur la tête : le meilleur moment, c’est quand ça s’arrête. Pendant treize à quinze heures, les quatre géants ont affronté les vents tempétueux générés par la première grosse dépression à se dresser sur la route de l’Océan. Rudement mis à l’épreuve la nuit dernière, Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI) raconte ce passage de front très actif : “Le vent s’est renforcé à l’avant, comme prévu. Ça a été à peu près, j’avais bien réduit la toile pour aborder ce passage délicat. Puis il y a eu une grosse bascule de vent, très franche, avec des rafales à plus de 50 nœuds. De nuit, sous une pluie torrentielle, ça n’était pas très confortable. Faire un virement de bord dans ces conditions-là, en solitaire, en ULTIM, c’est l’exercice le plus compliqué. Cela a pris un peu de temps, j’ai réussi à tout remettre à l’endroit et, a priori, je n’ai rien cassé.”

Troisième au classement de 16h00, ce jeudi 11 janvier, le skipper du Maxi Banque Populaire XI s’aventure, comme les leaders Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild) et Tom Laperche (SVR-Lazartigue), sur une route très inhabituellement à l’ouest, à plus de six cents milles de l’archipel du Cap Vert. « Ce grand tour est inédit, prolonge le vainqueur de la dernière Transat Jacques Vabre en ULTIM. Généralement, on coupe au milieu, sauf qu’il n’y a pas d’alizés ». Cette route contrainte provoque une course de « petits chevaux », bien alignés les uns derrière les autres. Une petite frustration pour Armel Le Cléac’h temporairement privé de toute opportunité tactique pour revenir sur le Maxi Edmond de Rothschild et SVR-Lazartigue, qui se marquent à la culotte une quarantaine de milles devant. Pour l’heure, l’important est de respirer après ce passage de front. “Physiquement, complète Le Cléac’h, ça a été très sportifOn a passé ce gros piège un peu stressant, et on continue la route en allant vers des conditions meilleures. Cela permet de se rassurer et d’envisager une suite plus simple.”

Les pieds sur mer.

Tour à tour, les six ULTIM engagés dans ce premier tour du monde en solitaire en multicoque vont s’extirper de la zone d’influence de cette grosse dépression et continuer à mettre de l’ouest dans leur route pour échapper à la zone de haute pression qui leur barre partiellement la route. Thomas Coville a ramené son Sodebo Ultim 3 dans des eaux plus fréquentables depuis quelques heures. Ce sera le cas dans la soirée pour Anthony Marchand et Actual Ultim 3.

Un peu en retrait, Éric Péron (ULTIM ADAGIO) affrontait la dépression à l’heure d’écrire ces lignes. À bord de son ULTIM au tempérament archimédien, le skipper d’ADAGIO a commencé à écrire son histoire de tour du monde à sa façon, sans voler, mais sur un tempo élevé qu’il maintient avec détermination. À 350 milles des leaders, un écart stabilisé, le Bigoudin poursuit sa phase d’apprentissage de son grand trimaran. « Mais on a bien dégrossi le sujet, ajoute-t-il. J’essaie surtout de ne pas faire de bêtises, de ne pas partir dans l’excès de confiance, afin d’éviter les situations délicates. Je fais en sorte de ne pas être pris au dépourvu ». Pour autant, la marche en avant, et les alternances de conditions de navigation, offrent régulièrement des opportunités de tester des configurations de voiles, comme il y a peu : “Typiquement, j’avançais grand-voile haute et J2, à une vitesse de 28 à 30 nœuds, mais j’ai préféré prendre un ris parce que j’avais une petite appréhension, notamment s’il avait fallu choquer rapidement. Malgré cette réduction de grand-voile, j’ai atteint des vitesses similaires et, pour le coup, sans effort. C’est le genre de choses qu’on apprend au fur et à mesure : on connaît le process, mais l’apprentissage se fait tranquillement, au feeling”.