Des conditions modérées au départ, une difficulté à « voler » tant le vent sera peu conséquent avant une dépression au large du Portugal qui pourrait faire office de premier passage à niveau. À moins de 24 heures du grand départ, et alors que le trimaran SVR – Lazartigue de Tom Laperche a fait son arrivée dans le port de Brest, mise en perspective de premiers jours qui s’annoncent plus stratégiques qu’ils n’y paraissent.
Le soulagement, perceptible depuis plusieurs jours, est toujours de mise chez les marins et leurs teams. Ce sentiment prédomine parce que la météo, si capricieuse depuis dix jours, sera enfin plus agréable ce dimanche avec des conditions anticycloniques et 10 à 15 nœuds de vent de Nord, Nord-Est. Bref, rien de ce qui était la norme pour tous les habitués du village depuis son ouverture le 29 décembre dernier. Le départ ne sera pas musclé, le ciel sera dégagé et ça aide, aussi, pour prendre ses marques quand on est seul à bord. « On s’attendait à des conditions tellement rudes que là, ça va forcément être plus cool », confie Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI).
« Les conditions sont belles et c’est plutôt rassurant, ajoute Christophe Boutet, coordinateur sportif du team Adagio. C’est intéressant pour les bateaux accompagnateurs. Et si les marins sont prêts à faire face à tout, ils vont avoir 24 heures devant eux sans être en stress avec des conditions plutôt maniables ». Philippe Legros, membre de la cellule météo de Sodebo, explique : « Nous serons sous l’influence d’un anticyclone positionné entre la Norvège et le Royaume-Uni, avec dans son sud du vent pas trop fort, une dizaine de nœuds de nord-est, qui va se renforcer légèrement en quittant la côte. »
« Ça peut vite créer des écarts significatifs »
Mais attention, ces conditions clémentes ne veulent pas dire que le départ ne sera pas engagé pour les organismes. « On va être en limite de vol, ce ne sera pas facile de voler, décrypte Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild). Ça peut créer des différences de vitesses, de caps et entraîner des choix différents ». « Le vent n’est pas fort et au portant donc les bateaux vont avoir du mal à voler, abonde Nicolas Lunven qui fait partie de la cellule routage du Maxi Banque Populaire XI. Si un bateau arrive à voler, il peut y avoir vite des écarts significatifs, jusqu’à 5 nœuds de différence ! Le premier qui arrivera à attraper du vent pourra s’échapper ».
En somme, une petite guerre de nerfs malgré le temps clément. « C’est bien pour s’échauffer mais il va y avoir de l’activité et pas mal de manœuvres à faire », sourit Charles Caudrelier. Et ça ne fait que commencer. Alors que la flotte devrait atteindre le cap Finisterre lundi au petit matin, après seulement une vingtaine d’heures de course, place à une première situation complexe. Philippe Legros confirme : « Il y a un minimum dépressionnaire au large de l’Espagne et du Portugal qui crée une situation mal définie. Ça peut donner du vent fort, des rotations très rapides, voire des zones de vent très faible. » Pour le membre du Team Sodebo, il s’agit d’un « point clé ». « Ça peut être un premier passage à niveau », estime également Armel Le Cléac’h qui reconnaît « ne pas avoir encore décidé » ce qu’il va faire. Globalement, deux options se dessinent pour les skippers : privilégier une route Est, à proximité des côtes africaines afin de tenter de conserver un flux d’alizé ou envisager une route dans l’Ouest, proche de la dépression. En somme, un choix plutôt conservateur d’un côté ou un autre plus audacieux mais pas sans risque de l’autre. Ce sera, déjà, l’occasion de savoir où chacun des marins mettra le curseur. Chez ADAGIO, on a déjà tranché : « Le mot d’ordre chez nous, c’est de finir, souligne Christophe Boutet. On ne va pas prendre de risques en matière de positionnement ». Pas sûr que ce soit le cas pour tous les concurrents… Avant d’en avoir le cœur net, il y a un départ à assurer, des encouragements à recevoir et, surtout, un début d’histoire à écrire.
L’INFO DU JOUR. Tom Laperche, une arrivée et (beaucoup) d’émotions.
L’image était belle et poignante. Celle d’un jeune athlète, visage concentré au moment d’amarrer son bateau, puis les mains levées vers le ciel en saluant la foule, les yeux embués ensuite. Tom Laperche a fait son arrivée dans le port de Brest peu après 15 heures et un arc-en-ciel pointait au même moment dans le ciel ombragé. Pour lui, pour l’équipe, pour MerConcept, le moment a des allures de victoire. En une poignée de semaines, le team a pu réparer la faiblesse du bras avant du trimaran et c’est un exploit en soi. Ces derniers jours, le marin de SVR – Lazartigue parlait de « travail d’orfèvres ». « La façon dont ça a été fait, c’est juste merveilleux », confiait-t-il tout à l’heure. Ému « à la veille de partir pour son rêve d’enfant », le marin n’a rien perdu de sa détermination. « Sur des départs de La Solitaire du Figaro, il m’arrivait de m’écrouler avant de partir, d’être premier à la bouée de dégagement et de gagner le départ ». Et de conclure, sourires aux lèvres : « Je suis capable de faire ça aussi ».