De retour à la compétition en 5×5 avec Villeneuve-d’Ascq après une année olympique consacrée au basket 3X3. Nous avons pu échanger avec Marie-Ève PAGET, afin de revenir avec elle sur sa saison contrastée et ses ambitions.
Bonjour Marie-Ève, vous avez fait votre retour dans le basket 5×5 cette saison avec Villeneuve-d’Ascq. Est-ce que ça a été facile de se réadapter ?
« Ça a été une saison très difficile, dans le sens où je suis arrivée dans un collectif qui était déjà quand même bien meurtri par une préparation qui n’a pas apporté autant de stabilité qu’une préparation doit le faire pour un collectif. Ce qui fait qu’on partait déjà avec des points de retard. Dans ce championnat, c’est compliqué, on se met des balles dans le pied dès le début, parce que ça veut dire qu’on n’a plus aucun joker de toute l’année. Et comme le championnat est hyper compliqué, c’est vrai que ça réduit les chances. Aussi individuellement, ça a été difficile psychologiquement pour moi, en tout cas après les Jeux olympiques, parce qu’il y a eu ce deuil à faire et ça a pris du temps. Mais sur le basket en lui-même, c’est revenu assez vite. En plus, j’ai été remise dans le bain rapidement, je suis arrivée à Villeneuve, j’ai eu un entraînement collectif avec mon équipe et puis, j’ai joué 35 minutes le premier match, parce qu’il y avait tellement de blessés que j’ai été propulsée dans tout ça. Donc, c’est revenu assez vite. Le jeu en lui-même, c’est comme le vélo, ça ne se perd pas, même après un an et demi où j’étais un peu éloignée du 5×5. En revanche, c’est juste mon adresse où j’avais du mal, c’était plus lié à ma situation, je pense, psychologique, ça a mis du temps à revenir. »
Vous avez tout de même remporté l’Eurocoupe, la deuxième du club. Quel était le ressenti lors de cette victoire ?
« C’était intense comme tout titre, évidemment. Je pense que ça a été une saison éprouvante pour chacune d’entre nous. On n’a jamais rien lâché. Il y a eu pas mal d’émotions après ce titre-là. Parce que je pense qu’on en a tellement bavé, que le fait d’être récompensée comme ça et d’avoir l’opportunité quand même de gagner un titre alors qu’on a failli presque descendre en deuxième division, c’est venu contraster notre saison. Ce n’est pas toutes les années qu’on a l’opportunité de jouer un titre et encore moins d’en gagner. Honnêtement, c’était une belle récompense pour tout le club, pour toutes les joueuses, pour tous les supporters et les partenaires qui nous ont aidés. On est resté vraiment tous ensemble et personne n’a jamais rien lâché. C’était une belle récompense. »
C’était donc une saison en demi-teinte. À la fois, il y avait l’explosion de joie de la victoire en Coupe d’Europe et, en même temps, il y avait cette tension de la descente.
« Exactement. C’était vraiment en demi-teinte, mais plus qui tire vers le noir. La Coupe d’Europe est venue atténuer, mais sur l’ensemble de la saison, le pourcentage est vraiment à 30 % de choses positives et 70 % où c’étaient des moments durs. L’objectif, c’était quand même de réussir à avoir ces 30 %. On aurait pu tout simplement sombrer dans les deux compétitions. En tout cas, en championnat, ce qui a été bien, c’est qu’on a fait le travail sur les équipes où on était censés le faire. Ce qui fait que ça nous a facilité les play-downs, on a été sauvés dès la première journée. Mais je pense surtout qu’on a rendu une belle partition sur ces play-downs parce qu’on gagne cinq matchs sur les six. On a montré à tout le monde que ce n’est pas parce qu’on était maintenus qu’on allait arrêter de se battre. On ne nous a jamais rien donné cette année et il était hors de question que nous-mêmes, on arrête de nous battre. Et ça, malgré le fait que l’équipe a beaucoup changé et qu’on ait perdu notre leader offensif après le maintien, je pense qu’on a fait preuve de caractère, on a montré que cette équipe avait de la ressource et que, peu importe la configuration qu’elle avait, on était capable de performer, et c’est ce qu’on a fait. Je pense que ça a été un beau message envoyé, c’est un peu le reflet de notre saison. Même quand c’est dur, finalement, on arrive à s’en sortir. »
La saison prochaine vous restez, ce sera une équipe assez remaniée. Comment vous vous projetez ?
« Pour l’instant, je ne me suis pas forcément trop focalisée sur la saison prochaine. Je suis avec attention le recrutement, évidemment. Je suis plutôt très contente de l’équipe qui est en train d’être construite. En tout cas, sur le papier, ça a l’air d’être un beau challenge et je pense qu’on a une belle équipe. Après, la vérité du papier n’est pas forcément la vérité du terrain, donc on verra bien. Il faudra faire le nécessaire pour que ça marche et qu’on puisse trouver chacune son équilibre, qu’on puisse performer ensemble. Pour l’instant, je suis concentrée surtout sur mes vacances, sur les stages potentiels de l’équipe de France et autres. Je n’y pense pas trop, mais en tout cas, quand j’y pense, c’est avec un œil positif. J’ai plutôt hâte de voir comment ça va se dérouler. »
Comment est-ce que vous vous êtes lancée dans la discipline du 3×3 ? Qu’est-ce que vous aimez particulièrement ?
« J’ai eu la chance de jouer au 3×3 assez tôt, en 2012, et j’ai eu l’occasion de participer à un tournoi. Et en 2014, j’ai fait ma première compétition internationale avec l’équipe de France universitaire. Par la suite, j’ai intégré l’équipe senior 3×3 féminine en 2018. Ce que j’aime dans cette discipline, c’est vraiment le fait que ça va vite, c’est intense, c’est physique. L’ambiance est totalement différente. Il y a beaucoup plus d’espace pour s’exprimer, c’est un jeu plus instinctif. Je viens développer d’autres qualités que je peux moins exprimer en 5×5 parce qu’on est beaucoup plus et qu’on est plus cantonnés à des rôles qu’en 3×3. C’est pour toutes ces raisons-là que j’adore cette discipline. Ça vient contraster un peu ce que je fais toute l’année. Puis, on joue dans des spots magnifiques, on est dehors et ça permet de nous maintenir en forme. Mais surtout, j’aime représenter l’équipe de France, c’est toujours une fierté et un honneur. Performer sur la scène internationale, ce sont des objectifs très forts et très intéressants. »
L’été dernier, vous avez vécu votre deuxième JO. Vous le disiez tout à l’heure, il y a eu ce deuil à faire. C’était quand même spécial de vivre ces jeux à domicile ?
« C’était spécial, c’est même un mot très faible, en fait c’était extraordinaire. C’est une chance unique. Je pense que beaucoup de monde aurait aimé être à notre place. Je suis consciente et reconnaissante de l’opportunité que j’ai eue. C’étaient vraiment des jeux magnifiques. Je pense que la France, aujourd’hui, a marqué des points sur la scène internationale, que ce soit sportif ou politique. Je pense que les jeux sont aussi le reflet de la puissance entre guillemets d’une nation, ça a été super réussi. Je pense que le retour des Français ou des étrangers qui ont vécu les Jeux était très positif. Ça a été quelque chose d’incroyable. C’étaient vraiment des émotions très hautes dans les hauts et très basses dans les bas qui rendent cette compétition unique. Quand on en sort, tout paraît un peu fade. Forcément, il y a toujours un moment, que l’on gagne ou que l’on perde, où il faut se réadapter à une vie un peu plus normale, à une vie où les objectifs sont à reconstruire et qui ne sont pas aussi forts que des jeux. Moi, c’est pour toutes ces raisons-là que ça a été compliqué. En tout cas, cette saison m’a fait énormément grandir. J’ai appris énormément sur moi. J’ai vécu plein de choses difficiles, mais qui m’ont permis d’apprendre encore plus, de me connaître et surtout qui m’ont permis d’engranger de l’expérience et d’être plus forte pour le futur. »
En parlant de futur, est-ce que Los Angeles 2028, c’est déjà dans un coin de votre tête ?
« Oui, à la fin des Jeux de Paris. Je n’avais plus aucune certitude, plus aucun objectif à part le fait que je voulais aller à Los Angeles. Ça, ça a été instinctif dès que je suis sortie de l’arène. Je ne sais pas si c’était une question d’ego, certainement, parce que quand on se fait sortir de notre manière, notre ego en prend un coup. Mais dans tous les cas, même après réflexion tout au long de ces mois, c’est quelque chose qui ne m’a jamais quittée. Aujourd’hui, je pense que je veux aller vers Los Angeles pour les bonnes raisons, pas simplement pour l’ego. Mais oui, c’est un objectif, évidemment, à long terme. Il va y avoir beaucoup de concurrence, ce qui rend le projet excitant. Les Jeux, ça se mérite, donc c’est normal que ce soit dur. »
Vos étés sont souvent rythmés par le 3×3. Quelles sont vos échéances cette année ?
« Je vais être vraiment déchargée cet été au niveau du 3×3 pour me laisser l’opportunité de me ressourcer et de me reposer. Là, je suis actuellement avec l’équipe de France pour une semaine, pour un tournoi amical de préparation en vue de la Coupe du monde fin juin, qui s’appelle le Big Twelve. On est sur trois spots : à Saint-Jean-de-Maurienne en Savoie, à Saint-Péray en Ardèche et puis à Boiron en Isère. Tout l’été, il y a les stops de World Tour, notre circuit mondial international. Et enfin, il y aura la Coupe d’Europe en septembre. Je ne sais pas encore quelles échéances je vais faire sur la fin de saison, mais je sais qu’il n’y en aura pas beaucoup pour me laisser l’opportunité de me reposer et surtout donner l’opportunité à d’autres joueuses de pouvoir s’exprimer sur la scène internationale et d’engranger de l’expérience. »
Le repos est important, évidemment. Comment est-ce que vous gérez la bascule entre le 3×3 et le 5×5 avec Villeneuve-d’Ascq ?
« Je le gère plutôt bien parce que j’ai l’habitude de passer d’une discipline à une autre, ça se fait de plus en plus vite. Après, il y a toujours un petit temps d’adaptation. Mais l’un ne va pas sans l’autre dans le sens où, dans tous les cas, à Villeneuve, je suis là pour préparer la saison qui arrive, mais je suis aussi là pour me préparer pour les potentielles échéances futures que je pourrais avoir, notamment avec la Coupe d’Europe qui se trouve en septembre, donc après le début de saison avec Villeneuve. Si jamais je suis à la compétition de la Coupe d’Europe ou à un tournoi pendant la préparation, ça me servira pour me préparer pour la saison à venir. Les saisons sont imbriquées et l’idée, c’est de performer et d’être prête pour chacune d’elles. Avec le temps, on transite beaucoup plus vite d’une discipline à une autre. »
Afin de gérer toutes ces préparations, mais aussi l’aspect psychologique. Est-ce qu’il y a une équipe qui vous entoure au quotidien ?
« Aujourd’hui, on a évidemment un staff qui fait le lien avec nos clubs d’un point de vue médical. Je sais qu’il y a une volonté du staff technique de l’équipe de France de communiquer aussi avec nos coachs de club pour qu’il y ait vraiment un échange, surtout pour le bien-être de la joueuse. Aujourd’hui, dans le staff de l’équipe de France, on n’a pas de ressource mentale, type préparateur mental ou psychologue du sport. C’est quelque chose qui va certainement arriver, peut-être dans les mois à venir, parce que c’est quelque chose qu’on a fait remonter. Je pense que c’est ce qui nous a aussi manqué pendant la préparation aux Jeux. Après, je pense qu’on est toutes suivies individuellement. On peut être encore un peu fragiles, ou en tout cas pas forcément développés, mais c’est en devenir. »