Rencontre avec Laurent BUFFARD, le nouvel entraîneur du club de l’Étoile Angers Basket. Il nous raconte son riche parcours sportif, ses meilleurs souvenirs, ses anecdotes, son avis sur le métier d’entraîneur et la raison d’avoir rejoint l’EAB, cette saison. Entretien.

Bonjour Laurent, comment voyez-vous votre métier d’entraîneur de basket ?

“Pour ma part, ce qui m’intéresse avant tout dans le métier d’entraîneur, c’est d’entraîner, de s’adapter aux différentes situations proposées, de tout mettre en œuvre pour que les joueurs atteignent les sommets. Je suis avant tout un amoureux du sport en général. Je vis avec la compétition et le jour je n’aurais plus cette flamme, j’arrêterais d’être entraîneur. Je suis quelqu’un qui a envie d’apprendre, avec toujours la logique d’amener le joueur dans les meilleures conditions dans la compétition. Il faut toujours être à l’apogée de ce qui se fait de mieux. Cela fait trente ans que je fais ce métier d’entraîneur, j’ai eu des expériences fabuleuses avec les joueurs ou des joueuses, dans les différents clubs où j’ai évolué.”

Comment avez-vous débuté le basket ?

“J’ai eu la chance de débuter le basket au club de l’Avenir Trémentines Basket, où j’ai évolué du niveau excellence région à la Nationale 4. A cette époque, mon père était dirigeant et entraîneur. Très tôt, j’ai été plongé dans le monde du basket. C’est lui que m’a donné l’envie de jouer au basket. N’ayant pu jouer jusqu’au niveau de la nationale 4 de l’époque, j’ai eu un sentiment de frustration. C’est alors que j’ai souhaité devenir entraîneur.”

Justement parlez-nous de vos débuts d’entraîneur ?

“J’ai donc débuté au club de Cholet Basket en tant qu’assistant-coach de Tom Becker, en 1985. En parallèle, je m’occupais de l’équipe espoirs, où j’ai eu la chance d’avoir une superbe génération, avec des joueurs comme Jim Bilba, Antoine Rigaudeau, Jacky Périgois ou encore Lucien Delaunay. Au passage, je tiens à remercier monsieur Michel Léger, le président fondateur du club de Cholet Basket (1975 à 1995). Il restera la grande figure emblématique du club, avec dix montées en douze saisons. C’était une personne avec un grand charisme et avec de grandes ambitions. Il avait une forte personnalité, mais il était généreux et fidèle en amitié. Je lui dois beaucoup, car c’est lui qui m’a véritablement lancé dans le métier d’entraîneur.”

Pouvez-vous, nous parler de vos différentes rencontres dans le milieu du basket ?

“Tom Becker m’a beaucoup appris sur la méthode américaine, comme par exemple, la répétition des fondamentaux. J’ai aussi connu Jean Galle, à son arrivée à Cholet Basket en 1987. Il m’a marqué du fait de sa motivation et de sa faculté à transcender son équipe en la rendant meilleure. Il faut se souvenir de la victoire à la Meilleraie contre le Real de Madrid de Drazen Petrovic, le 17 janvier 1989, qui reste à ce jour l’exploit européen le plus fort réalisé par Cholet Basket. Il aura marqué le club de deux très belles saisons. Tom Becker et Jean Galle sont deux personnages différents qui ont influencé à leur manière ma façon d’entraîner. Lorsque l’on est un jeune entraîneur comme moi, où j’avais à l’époque vingt ans, c’est une très bonne école. J’ai toujours eu l’ambition d’obtenir mes diplômes d’entraîneur très tôt. Et puis, j’ai aussi une pensée pour Jacky Moreau, qui a été pendant plusieurs saisons, mon assistant-coach, dans les différents clubs où j’ai été entraîneur, comme à Cholet Basket, Ekaterinbourg en Russie, où encore à Valenciennes. C’était une de mes personnes de confiance. C’était un grand technicien, quelqu’un de très cultivé. Ce fut un fabuleux compagnon de route.”

Revenons maintenant à votre parcours sportif ?

“Ensuite, je suis parti entraîner en région parisienne à Sceaux en Pro B. Pour l’anecdote, j’ai enchaîné des joueurs qui étaient, pour la majorité, plus âgés que moi. Mais j’ai surtout eu la chance d’entraîner Terry Stotts, actuellement l’entraîneur des Trail Blazers de Portland en NBA. J’ai aussi fait débuter Moustapha Sonko, qui a eu ensuite une grande carrière en club et avec l’équipe de France en tant que meneur (92 sélections). Puis, je suis arrivé à Gravelines, avec Jean Galle, en étant entraîneur principal pendant une saison. Ensuite, retour au club de Cholet Basket, pendant cinq saisons. La première saison, on finit deuxième du championnat, où j’en garderais un bon souvenir. La deuxième saison, je deviendrais l’entraîneur principal. Puis, direction Toulouse pendant deux saisons, une en Pro B, puis trois en Pro A.”

Ensuite, vous avez connu votre première expérience, avec une équipe féminine ?

“En arrivant à Valenciennes, au club de l’Union Hainaut Basket, ce fut ma première expérience avec une équipe féminine. J’ai eu la chance d’arriver dans une région très accueillante, où j’ai apprécié la simplicité des gens. Et puis, d’un point de vue sportif, ce fut extraordinaire, avec vingt-quatre finales pour dix-neuf titres. En parallèle, j’ai eu une expérience, en tant que sélectionneur de l’équipe féminine de Belgique. Je souhaitais connaître une expérience en tant que sélectionneur et d’être confronté à entraîner une sélection nationale, qui est une expérience complètement différente, que d’entraîner une équipe de club. Ce fut une aventure humaine et professionnelle exceptionnelle. J’en suis sorti avec une expérience très riche. Je me souviens que le staff et les dirigeants avaient mis tout en œuvre pour nous mettre dans les meilleures conditions pour nous qualifier pour le championnat d’Europe.”

Pourquoi avoir choisi de vous expatrier en Russie ?

“Après les deux titres de champion en Euroligue, avec l’équipe de Valenciennes, j’ai reçu plusieurs sollicitations, de la part de plusieurs clubs de Russie. J’ai hésité, mais je suis finalement resté deux saisons de plus à Valenciennes. J’étais bien dans ce club, avec de bonnes structures sportives. A l’époque, j’avais les fonctions de manager-général et celui d’entraîneur. C’était fabuleux, car j’avais autour de moi, une équipe qui travaillait et qui vivait pour la compétition. Cela nous a donné les moyens de réussir nos objectifs. Et puis cette année-là, au mois de Février 2007, on va gagner à Ekaterinbourg, en coupe d’Europe, le président russe m’a laissé sa carte de visite et ensuite mon agent m’a appelé pour m’indiquer que le club souhaitait ma venue. Au mois de mars, j’ai reçu une offre concrète de la part du club. J’ai alors sérieusement réfléchi à la proposition, même s’il y avait la difficulté de changement de vie, dans tous les aspects, comme la culture, la langue etc… Mais cette fois-là, je me sentais prêt à tenter l’aventure. Je pense que j’avais plus d’expérience et de confiance en moi. Très peu d’entraîneurs français peuvent dire qu’ils ont entraîné à l’étranger, donc c’était une belle opportunité à saisir. C’était aussi le côté aventurier qui m’a séduit. Avant de signer dans ce club, je m’étais un peu renseigné sur le club. J’y suis resté deux saisons.”

Que retiendrez-vous de cette expérience à l’étranger ?

“Je retiendrais que quoi que l’on dise, la France est un beau pays et que les Français ne se rendent pas trop compte de la chance qu’ils ont de vivre en France. En Russie, j’ai appris à découvrir sa culture, car c’est aussi un pays qui a des richesses inimaginables et cela à tous les niveaux. Mais, malheureusement, je retiendrais que la dignité humaine n’existe pas en Russie, avec le système du communiste. J’ai aussi rencontré des hommes et des femmes qui vivent avec le système au quotidien, mais qui ne vivent pas en pensant à cela, car ils sont obligés de vivre avec cela. C’est aussi une expérience intéressante que de partager une philosophie différente de la nôtre.”

Vous êtes ensuite revenu en France et dans votre région natale ?

“En effet, après deux ans en Russie, je suis revenu dans la région des Pays de la Loire, à Nantes, où j’ai pris en charge l’équipe des Déferlantes de Nantes-Rezé, en Ligue Féminine, avec toujours comme assistant-coach, Thierry Moreau. Il faut savoir que l’on s’est suivi, tous les deux, pendant quinze ans. Je suis resté trois saisons à Nantes. J’ai eu la chance d’avoir un président qui nous a donné les moyens de réussir. Pour la première fois, le club de Nantes-Rezé a participé à une coupe d’Europe. On avait mis en place des bases et des fondations solides. Cela a été payant, puisque depuis mon départ, le club a toujours participé à une coupe d’Europe.”

Puis direction Lyon ?

“Je suis arrivé au club de Lyon Basket Féminin, dans un vrai projet à construire. Le club était né en 2000 de la fusion entre le FC Lyon Basket Féminin et le club voisin, l’Association Laïque Gerland Mouche. Du coup, les deux clubs ont fusionné, avec l’objectif de pérenniser la présence du club de Lyon Basket féminin parmi l’élite du basket féminin français. Je suis alors arrivé au milieu de tout cela. Ce fut une expérience très mouvementée. Malgré tout, nous finissons troisième de la Ligue Féminine. Malheureusement, les dirigeants ne s’entendaient pas entre eux et je suis parti du club au bout d’un an, pour licenciement économique. J’en garde une amère expérience, car je l’ai appris au dernier moment, alors que j’avais passé auparavant, trois semaines avec le président (Nicolas Faurel), pendant le championnat d’Europe de basket féminin, qui s’était déroulé en France (2013). Je n’ai pas trop apprécié la façon dont cela s’est passée…”

Vous êtes à nouveau retourné au club de Cholet Basket ?

“Oui, je suis retourné à Cholet Basket, en cours de saison, dans un contexte très différent, où l’équipe était déjà mal positionné au classement. A l’époque, j’avais remplacé Emmanuel De Sousa. Malheureusement, de mon avis, le club de Cholet Basket se donne des ambitions très élevés qui seront difficiles à atteindre. Et puis, l’outil de travail qui est la salle de la Meilleraie n’aide pas non plus. Même si j’ai de très bonnes relations avec le club, je ne pense pas que les entraîneurs sont les seuls responsables des résultats négatifs du club, car ils font avec les moyens que le club leur donnent. En tant qu’entraîneur, c’est d’ailleurs très frustrant, surtout lorsque l’on est un compétiteur. On doit faire des coups avec les moyens du bord. Donc cela peut fonctionner de temps en temps, mais pas sur la durée. Pourtant, le club a eu la chance d’avoir ces dernières années des générations de joueurs exceptionnelles, comme par exemple Kevin Séraphin, Rudy Gobert, Mickaël Gelabale… Pourtant, c’est paradoxal avec la magnifique organisation au sein du club, qui a toujours eu de la considération pour les membres de la partie sportive et en respectant les contrats. Mais aujourd’hui, il y a un véritable goût d’inachevé et une dynamique négative. Il a un vrai public de fidèles, mais qui est devenu trop critiqueur et trop dans le jugement, depuis ces dernières années, dû aussi aux années fastes du club, où il avait l’habitude de gagner. Au lieu d’encourager, à la moindre contre-performance, il se détourne de son équipe.”

Que diriez-vous de toutes ses rencontres ?

“Je dirais que le monde du basket est un petit monde et qu’il est important d’avoir du réseau.”

A la fin de votre passage à Cholet Basket, vous avez choisi de prendre un peu de recul avec les entraînements d’une équipe ?

“Oui, je suis resté huit mois de transition sans club. Cela m’a permis de faire et de voir autre chose. Pendant cette période, j’avais envie de souffler, car le métier d’entraîneur est un métier anxiogène. J’en ai profité pour écrire un livre sur les méthodes d’entraînement. Pendant cette période, je me suis beaucoup investi, car j’ai aussi fait de la formation de cadre dans le milieu du basket. J’ai toujours eu envie de partager mes expériences avec les autres.”

Finalement, vous êtes reparti dans un nouveau projet à construire, en  signant avec le tout nouveau club de l’Étoile Angers Basket ?

“J’avais plusieurs propositions, notamment avec des équipes de Pro B (Denain et Lille). Mais des projets club, il y en a peu en France, et celui de l’Étoile Angers Basket est pour moi, un vrai projet de club, surtout après la fusion des clubs d’Angers Basket Club et de l’Étoile d’Or Angers Basket. Le fait d’unir les deux clubs s’est fait de façon intelligente. Et puis, dans mon choix, je souhaitais retrouver un club dans ma région. Au départ, je ne connaissais pas particulièrement la ville d’Angers, mais la ville m’a séduit.”

Quel est votre avis sur la nouvelle organisation du club ?

“Cela s’est fait avec le temps, mais je pense que c’était judicieux d’unir les deux clubs. Le projet m’a séduit et j’ai donné mon accord pour construire ce nouveau projet passionnant, qui est devenu le plus grand club français en terme de licenciés. Arrivant de l’extérieur, je suis agréablement surpris de voir comment le club commence à se structurer aussi rapidement et cela en très peu de temps. J’ai pu constater que beaucoup de personnes ont œuvré pour cela se passe du mieux possible. Par rapport à la section professionnelle et la section amateur, les prises de décision ont été rapides, avec un engagement total des différentes parties. Je m’y suis tout de suite retrouvé. C’est un nouveau club et l’on repart tous de zéro, même si l’histoire et le passé des deux clubs ne s’oublieront pas.”

Quel type de management avez-vous avec votre nouvelle équipe de l’EAB ?

“Je ne suis pas un entraîneur qui met la pression à ses joueurs. Je veux avant tout que les joueurs prennent du plaisir sur le terrain. J’aime beaucoup cette façon de travailler, même si cela ne m’empêche pas d’avoir de l’exigence.”

Avec le recul de vos trente années d’entraîneur, que pourriez-vous, nous dire sur ce métier ?

“Dans le métier d’entraîneur, il faut avoir conscience que l’on n’est que de passage. Un entraîneur est reconnu du fait de ses résultats sportifs et non par la qualité de son travail. Dans le sport de haut niveau, où il y a de plus en plus d’enjeu financier, les clubs manquent de patience. A mon avis, la seule force pour avoir des résultats positifs sur la durée est la stabilité et la confiance faite entre les uns et les autres. Une saison se joue aussi sur le recrutement du début de saison. Et puis, ensuite, il y a la chance de la performance sportive, entre les blessures, les méformes des joueurs etc… Il faut aussi arrêter de croire que l’entraîneur est un fusible.”

Quel est votre projet avec votre nouveau club de l’EAB ?

“J’aimerais m’investir sur la durée, de construire le club avec des bases solides, tout en restant motivé par les futurs challenges qui me seront donnés. J’aspire à enseigner et à transmettre mon expérience du basket, impliquer les joueurs dans mon projet de jeu et donner du sens à ce que je fais. Si un jour, je n’ai plus tout cela, alors j’arrêterais d’entraîner. Les gens vivent dans le sentimental pour prendre du plaisir avant tout. Savoir faire fonctionner les choses dans le bon sens, c’est pour moi quelque chose de précieux dans la vie. Et puis, je finirais par dire un petit mot à l’équipe de Passion Sports 49, pour la qualité de leur travail.”

 Pour finir, parlez-nous de votre livre ?

“A travers ce livre, j’ai souhaité faire partager mon expérience personnelle d’entraîneur de club féminin et masculin. J’ai voulu mettre en lumière les difficultés du métier. A travers cet ouvrage, je propose de mieux maîtriser ce statut souvent contradictoire de coach technicien, mais aussi de leader et de gestionnaire, de s’appuyer sur des réflexions de management, des thématiques techniques et tactiques pour tous les éducateurs. Je veux partager quelques pistes de travail. Ce n’est qu’un fil conducteur, un référentiel d’idées où chacun s’adaptera aux exercices proposés, aux objectifs, à ses joueurs et à son équipe.”

 

Laurent BUFFARD

Né le 29 Août 1963 à Chemillé. (54 ans)

Club actuel : Étoile Angers Basket (entraîneur)

Anciens clubs : Sceaux, BCM Graveline-Dunkerque, Toulouse Métropole Basket, Hainaut Basket Saint-Amand, UMMC Ekaterinbourg, Déferlantes Nantes-Rezé, Lyon Basket Féminin, Cholet Basket.

Sélectionneur de l’équipe féminine de Basket de la Belgique.