Ancien entraîneur adjoint des Ducs d’Angers, ainsi qu’ancien coach des U20 Angevins et de la France. Alexis Billard est aujourd’hui engagé en Suisse. Il revient avec nous sur sa première saison aux côtés des U20 de Lausanne, sur ses ambitions et sur l’importance de la formation en France.

Bonjour Alexis, c’était votre première saison avec Lausanne. Est-ce que vous vous êtes rapidement familiarisé avec l’environnement du club et du pays ?

« C’est sûr qu’au début, il a fallu s’acclimater. Beaucoup de choses sont nouvelles. En Suisse, leur fonctionnement est quand même très, très professionnel. Même plus que la Ligue Magnus, je dirais, alors que ce sont des juniors. Pour vous dire, on a des joueurs qui ont des GPS sur eux à l’entraînement, donc on sait à peu près s’ils ont atteint certains kilomètres, si ils ont été intenses. Ils ont tous des puces. Ils sont suivis par un préparateur physique avec beaucoup de data. Tout ça, c’est extrêmement professionnel. Sur la saison, Lausanne, ça faisait 3-4 ans qu’ils n’avaient pas fait les play-offs en juniors ; cette année, on y a participé. On s’est fait éliminer au premier tour, mais c’était positif parce qu’on a réussi à faire en sorte que quelques joueurs sortent du lot et puissent aller avec l’équipe première. »

Vous avez remarqué qu’il y avait une différence dans l’approche du hockey entre la Suisse et la France ?

« Oui, vraiment. La grosse différence, c’est que je n’ai pas dormi une seule nuit dans le bus. Les déplacements les plus loin, c’est cinq heures de route, ce qui est très rare chez nous en France. Ici, je fais le match et je rentre chez moi le soir. C’est quand même positif pour les joueurs, pour la récupération, pour la vie sociale, la vie scolaire aussi. Les joueurs peuvent mener un double projet plus facilement qu’en France. »

Sur les méthodes de travail, est-ce qu’il y a des choses que vous avez vues qui étaient vraiment différentes de la France ?

« Moi, c’est le nombre de matchs. Une saison de junior élite, en France, c’est 25-30 matchs maximum ; ici, on en est à 65 matchs. C’est une grosse différence. C’est juste incroyable parce que, oui, les joueurs, ils ont des entraînements, mais l’expérience qu’ils prennent sur plus de 60 matchs dans l’année, c’est énorme. »

Actuellement, vous êtes avec les U20 du club. Est-ce que vous avez l’ambition de rester avec eux ou vous voulez aller vers l’équipe première ?

« Je dirais que, moi, je veux toujours évoluer, essayer d’aller le plus loin possible. Donc oui, je ne me ferme aucune porte. Aujourd’hui, je ne suis même pas sûr de rester encore à Lausanne. J’ai une proposition dans un autre club, je n’exclus rien. Si je dois rester en junior longtemps, ça sera le cas, mais si je peux progresser et évoluer, ce sera mon objectif. »

La dernière fois, c’était avec Briançon. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez en tête, de retrouver un poste de coach principal ?

« Oui, c’est quelque chose que je veux et que je voulais depuis un moment. Après, il faut y arriver : en Suisse, on ne rentre jamais à moins qu’on ait un CV énorme et une très belle carrière de joueur, chose que je n’ai pas. Je n’ai pas une carrière internationale ou quoi que ce soit, donc je passe par la petite porte. Je vais essayer de grandir au fur et à mesure pour être numéro un et avoir un poste de coach principal. »

En tant qu’assistant coach, vous travaillez avec tout un staff. Quelles sont vos missions principales avec l’équipe ? Et quelles sont vos méthodes de travail ?

« Mes missions, c’est beaucoup d’être proche des joueurs, beaucoup de retours individuels avec eux, beaucoup de vidéos sur leur match. Je m’occupe beaucoup des défenseurs, donc on a eu pas mal de temps aussi après les entraînements pour mettre des exercices en place avec eux. Mon job était basé là-dessus, aussi bien sûr, il y a un travail d’analyse sur les équipes adverses. J’ai principalement ça comme mission. Concernant ma méthode de travail, aujourd’hui, on ne peut plus coacher comme en 1984. Le côté humain est très important et tant mieux. Je pense qu’on ne peut pas être dur avec les joueurs, la méthode du père Fouettard, c’est fini. Maintenant, les joueurs demandent aussi beaucoup, ils demandent des retours individuels. Ils demandent qu’on les conseille, qu’on les guide. Il faut les orienter, il ne faut plus juste dire « Oui, c’est nul ce que tu as fait, ce n’est pas bien » et puis on ferme la porte et c’est fini. Non, il faut aller plus loin que ça. Il faut vraiment aller à leur rencontre. Et puis, chaque joueur a aussi le côté financier, il ne faut pas l’oublier. Si le joueur signe en équipe première, il y a des unités de formation, il y a de l’argent qui rentre en compte. Il ne faut pas faire n’importe quoi avec eux. Chaque joueur qu’on entraîne, ce sont aussi des euros qu’on est en train de manipuler. »

Dans votre carrière, vous avez entraîné jusqu’à l’an dernier les jeunes de l’équipe de France. Vous aimeriez le refaire ?

« En fait, depuis que je suis en Suisse, ça s’est un peu compliqué. Je suis arrivé dans un nouveau club. On s’absente quasiment 8 à 9 semaines dans l’année. Donc difficile d’être avec la France. Après, oui, l’équipe de France fait partie de moi. C’est quelque chose que j’aime beaucoup, aider les jeunes Français. Il faut les aider et encore plus aujourd’hui, car on descend dans la division en dessous. Je pense qu’on n’arrivera pas à remonter s’il n’y a pas de jeunes qui émergent rapidement. On a bien vu que la France commence à être vieillissante et qu’il va falloir renouveler les cadres. Ça passe par de la formation, c’est très important. »

Pour vous, on ne met pas assez en avant les jeunes dans les formations en France ?

« Non. Aujourd’hui, moi, quand je vois certains clubs qui payent des étrangers pour les mettre dans les gradins ou ne pas les faire jouer, je pense que cet argent-là, il pourrait quand même bien mieux orienter la formation. Ça mettra plus de temps à se voir, mais ça peut améliorer un club facilement. Et c’est bien mieux d’avoir des joueurs issus du cru. Je ne dis pas qu’il ne faut pas d’étrangers, mais je pense qu’il en faudrait un petit peu moins et qu’il faudrait mettre de l’argent sur la formation. C’est ce que la Suisse a fait. Alors oui, on ne va pas se leurrer. C’est un pays où il y a des budgets qui sont dix fois plus gros qu’en France. C’est entre 25 et 30 millions de budgets. Donc, vous imaginez bien qu’il y ait de l’argent pour la formation, mais ils tournent qu’à six étrangers. Il n’y a pas de secret. Peut-être qu’au début, ça va faiblir, et je n’en suis même pas sûr, parce qu’on aura peut-être des meilleurs étrangers. Mais mettre des joueurs français avec du temps de jeu, après, ça va se répercuter sur le niveau international. C’est obligé. Ce n’est pas en les mettant sur le banc ou en faisant qu’un match par semaine que nos jeunes Français vont s’améliorer. C’est un gros problème qu’il va falloir régler. »