Ancien entraîneur de l’Étoile Angers Basket, Ali BOUZIANE est, depuis mars, le nouveau sélectionneur de la sélection nationale algérienne en plus de son poste à Denain en Pro B. Il est revenu avec nous sur son nouveau rôle, sur ses objectifs et sur sa vision du basket.

Vous êtes devenu en mars le nouveau sélectionneur de l’Algérie. Pour combien de temps est-ce que vous avez signé ?

« On est parti sur un projet de quatre ans. Il correspond au mandat du président de la fédération, qui vient d’être élu. »

L’Algérie, c’est un maillot que vous connaissez bien. Vous l’avez porté en tant que joueur jusqu’en 2008. Qu’est-ce que ça vous a fait de retrouver la sélection ?

« Il y a deux choses quand on est sélectionneur. Premièrement, c’est le fait de coacher une équipe nationale, peu importe le pays. Il n’y a pas beaucoup de postes disponibles pour prendre la tête d’une équipe nationale. Parce que c’est complètement différent d’être entraîneur en club. Deuxièmement, pour moi, c’est l’Algérie, parce que c’est un pays que je connais, c’est mes origines, c’est le pays de mes parents, de mes ancêtres, c’est spécial. Il y a une connexion avec ce pays. C’est vraiment une double satisfaction. Oui, il y a de la fierté à être sélectionneur de l’Algérie, mais une fierté tout court. J’aurais été sélectionneur d’un autre pays, ça aurait déjà été une fierté professionnellement. » 

Avant, vous étiez entraîneur à l’Etoile Angers Basket, en plus de l’Algérie vous êtes à Denain en Pro B. C’est une autre dimension de coacher la sélection ?

« Oui, forcément. Après, le niveau de jeu, je ne vais pas m’aventurer, parce que, pour l’instant, je ne connais pas tous les joueurs. Mais c’est de l’international. On va jouer contre les meilleurs joueurs de chaque nation. Donc, cette dimension-là, elle est quand même spéciale. Après, ça reste l’Afrique, qui n’est pas actuellement le meilleur continent en termes de basket, de niveau de jeu. Mais c’est un continent où le basket évolue constamment, avec la création de la BAL, de la Basketball Association League, qui est la NBA en Afrique. Et puis, on voit chaque année que le basket africain évolue, parce que, finalement, la plupart des joueurs qui sont dans les équipes nationales lors des championnats d’Afrique, ils sont souvent à l’étranger. Les meilleurs joueurs sont dans les meilleurs championnats en Europe, en NBA, en NCAA. Donc, finalement, le niveau d’un championnat d’Afrique est très, très, très, très élevé. En tout cas, quand on arrive sur les phases finales, là, on tombe sur des équipes qui ont le niveau des meilleures équipes mondiales. »

Avec l’Algérie, vous avez été vice-champion d’Afrique en 2001. Est-ce que ça vous tient à cœur de remettre le pays sur le devant de la scène internationale ?

« Oui. Moi, j’ai vraiment connu l’âge d’or du basket algérien. On a eu une génération entre 2000 et 2008 qui a fait une finale de Coupe d’Afrique et une demi-finale. C’était la première fois que l’Algérie arrivait à ce niveau-là. On a aussi qualifié l’Algérie pour une Coupe du monde, la première de son histoire. Il n’y a pas beaucoup d’équipes africaines qui y sont arrivées, parce que, finalement, ce sont souvent les mêmes nations. En général, c’est l’Égypte, le Nigéria, le Sénégal et l’Angola. Et l’Algérie fait partie de ces pays-là qui ont fait des compétitions internationales. Aujourd’hui, sincèrement, depuis 20 ans, le basket algérien a chuté à son plus bas niveau. L’Algérie n’a pas participé à une CAN depuis 2015. La fédération est beaucoup partie sur le 3×3 ces dernières années et a un peu oublié le 5×5. Voilà la raison pour laquelle le basket algérien n’est pas au niveau où il était. Aujourd’hui, il y a eu un changement de présidence au mois de décembre. Et la priorité du nouveau président a été justement de remettre le 5×5 au niveau où il doit être. C’est un challenge que j’ai envie de relever. »

Vous avez accepté ce rôle de sélectionneur sans hésiter ?

« La décision n’a pas été si simple. J’ai mis beaucoup de temps pour tout dire. J’ai mis deux mois à me décider parce qu’il y a beaucoup d’enjeux par rapport à l’Algérie, par rapport à la fédération. Il y a aussi beaucoup d’enjeux par rapport à moi parce que j’ai déjà un club où je m’investis beaucoup. J’ai une famille, j’ai des enfants. Ce qui veut dire que l’été, ma période de repos, il faut repartir au boulot. J’ai dû vraiment peser le pour et le contre. J’ai dû évaluer les avantages, les inconvénients. Et surtout, je voulais m’assurer que les conditions de travail étaient bonnes. Quelles intentions, quelles conditions, quels moyens on allait mettre à cette volonté, à ce challenge de revenir au niveau où l’Algérie était il y a quelques années. Finalement, j’ai accepté de relever le challenge, mais il va falloir construire parce qu’il y a beaucoup de travail. »

Quelles sont vos méthodes de travail ? Est-ce qu’il y a un aspect du basket que vous tenez vraiment à mettre en place ?

« J’aime le basket total, le basket agressif, le basket intense, le basket d’engagement et d’effort. On le voit défensivement, je demande beaucoup d’intensité, beaucoup de pression. Et offensivement, je suis très inspiré par le basket espagnol. Le jeu de transition est quelque chose qui me parle énormément. C’est la globalité. En défense, avancer sur l’adversaire au maximum, je ne veux pas être passif, je veux être proactif. Et en attaque, pareil, on va aller chercher ce qu’on a besoin d’aller chercher. Il y a beaucoup d’axes autour de ça. Le jeu sans ballon est quelque chose de très important dans mon jeu offensif, aussi important que le jeu avec ballon, parce que tout est lié. Cadrer le jeu sans ballon, c’est faciliter la tâche du joueur, du porteur de balle. Après, autour de ça, tout ce qui est tactique, ça peut changer en fonction des saisons, mais la ligne directrice, elle est quand même là. »

Est-ce que le fait que vous ayez été assistant avec les U20 de la France, puis coach des U20 de la Suisse, ça va vous apporter quelque chose dans votre expérience internationale ?

« Oui, complètement. Il n’y a aucun doute là-dessus. Déjà, en étant joueur, j’ai connu ces compétitions et ces préparations internationales d’été. Puis, en tant qu’entraîneur, j’ai été assistant avec l’équipe de France U20, avec Jean-Aimé Toupane, qui est aujourd’hui le coach de l’équipe de France féminine, que je ne remercierai jamais assez pour sa confiance. Et j’ai été sélectionneur des U20 suisses il y a trois ans. Oui, effectivement, tout ça fait que j’ai pris de l’expérience, parce que préparer une compétition internationale d’été, ce n’est pas pareil que préparer un club à jouer tous les week-ends. C’est un format qui est totalement différent. Donc, il faut l’avoir vécu, parce que sinon, on peut vite s’emmêler les pinceaux. Je vais beaucoup utiliser mon expérience comme joueur, mon expérience comme assistant et surtout mon expérience comme coach avec la Suisse. »

Jean-Aimé Toupane, c’est quelqu’un qui a beaucoup compté dans votre carrière ?

« Oui, une des premières choses que j’ai faites quand j’ai été nommé, ça a été d’appeler Jean-Aimé Toupane. Je l’ai appelé pour échanger avec lui. J’avais besoin d’être orienté et d’avoir des conseils. Et c’est ce que je vais faire encore. Je vais appeler peut-être d’autres coaches pour avoir des conseils, parce que c’est un format qui est particulier. Mais Jean-Aimé Toupane, ça a été un mentor. Il a été mon coéquipier, quand j’ai commencé à Toulouse à 19 ans en pro ; lui, il était en fin de carrière à 40 ans. Il m’a beaucoup guidé, pas vraiment sur le basket, mais sur les à-côtés, sur comment être professionnel, quoi faire dans la vie de tous les jours pour arriver au plus haut niveau. Ensuite, il m’a entraîné, il a été mon coach, toujours à Toulouse, et il a été aussi mon general manager. Et pour terminer, j’ai été son assistant en équipe de France U20. C’est quelqu’un de très, très important dans ma carrière. Il n’y a pas de doute là-dessus. »

Retour sur la sélection nationale : quelles sont les prochaines échéances pour vous ?

« On a une compétition cet été qui est le championnat arabe des nations. Il y a une dizaine de nations. C’est en Tunisie, du 25 juillet au 2 août, à Nabeul. Pour certaines sélections, ça va être un tournoi de préparation. Par exemple, la Tunisie ou l’Égypte qui vont jouer la CAN dans la foulée. Pour nous, ça va être une finalité en fait. On va jouer ce tournoi parce que c’est notre seule compétition internationale. Alors oui, on veut performer, mais surtout on veut construire et poser les bases du projet de jeu, la manière dont on veut jouer, la manière dont on veut évoluer et les valeurs qu’on veut mettre dans notre approche du jeu. Ça va être très important. On va commencer la préparation le 18 juin, on aura cinq semaines de préparation. Mais l’objectif, comme je disais tout à l’heure, c’est sur le long terme. On veut retrouver les compétitions africaines le plus vite possible. Et ensuite, petit à petit, essayer de retrouver le niveau qui était le niveau de l’Algérie il y a quelques années. C’est un processus. Donc cette année, on va remettre des bases saines de travail et mettre un projet de jeu en place. »