Déjà recordman du marathon couru le plus rapidement, en costume trois-pièces, en 2023, l’Angevin Emmanuel BONNIER a réitéré l’exploit au marathon de la Loire, ce dimanche 11 mai 2025, à Saumur. En 2h 42m 37s, il a battu de plus de quatre minutes le record du monde du marathon en pyjama. Il s’est entretenu avec nous pour évoquer cet exploit, sa préparation et ses objectifs ambitieux. 

Bonjour Emmanuel, pour connaître un peu plus votre parcours, comment êtes-vous entré dans le monde de la course ?

« J’ai commencé la course à pied, à l’âge de trente ans, donc il y a sept ans. C’était un défi avec mes frangins. Ils m’ont défié de faire un marathon alors que je ne courais pas du tout. C’était une bêtise. Je courais une fois tous les deux mois. Je faisais un petit footing autour de l’étang Saint-Nicolas, cinq kilomètres, et je devais m’arrêter trois ou quatre fois, parce que je n’avais plus de souffle. Puis, je me suis pris au jeu. J’ai vu que les chronos et que la forme s’amélioraient de jour en jour. Quand je me lance dans un truc, en général, je le fais à fond. Le jour où j’ai dit oui à mes frères, c’était du sérieux. Cela m’a permis de bien performer, dès mon premier marathon. Derrière, cela m’a motivé pour en faire d’autres. »

Vous avez participé au marathon de la Loire, ce dimanche 11 mai. Quelles étaient vos sensations ?

« Cela s’est bien passé. En fait, ce n’était pas du tout une course à objectifs. J’avais été invité par l’organisation du marathon de la Loire. Je comptais le faire en sortie longue, parce que je suis en cours de préparation pour un ultra. Ce n’était pas du tout l’objectif de le faire à fond, et encore moins de le faire en pyjama. Cela a été la petite nouveauté, on va dire, au début de la semaine dernière. J’avais pensé faire meneur d’allure en 2h40 ou 2h45. C’était vraiment pour l’intégrer dans une semaine de préparation. Je ne l’ai pas fait du tout à fond. Je n’étais plus sur mes bases d’allure d’un 100 kilomètres. Et c’est pour cela que ça s’est bien passé, parce que c’étaient des allures assez confortables pour moi. Même si, je me suis rajouté la petite difficulté du pyjama. »

Aviez-vous une motivation en plus à courir ?

« Oui. J’ai couru pour Lison, une petite fille de quatre ans qui se bat contre le cancer. Pendant le marathon, une vingtaine de coureurs portaient des maillots « team Lison, unie contre le cancer pédiatrique ». J’ai fait la surprise à la famille de Lison de faire floquer mon pyjama pour les soutenir et contribuer à la visibilité de leur combat avec l’association Loulou et le Crabe. »

Le record, c’était vraiment une réalisation de dernière minute ?

« Oui, c’est cela. Pour pouvoir faire un record homologué par le Guinness World Record, il faut déposer sa candidature sur le site, expliquer sur quel événement, on veut le faire. On a un cahier des charges par rapport à la tenue, aux spécificités, aux justificatifs qu’on va devoir apporter pour pouvoir faire homologuer le record, etc. Et, il y a un mois, j’ai ouvert un dossier pour le marathon de la Loire à Saumur, pour le record en pyjama. Mais en étant convaincu que cela ne serait jamais traité à temps, parce que les délais, normalement, c’est trois mois pour avoir un retour. Moi, je l’ai fait un mois avant. Puis, il y a tout juste une semaine, le lundi 5 mai, en ouvrant ma boîte mail, j’ai vu que ma candidature avait été déjà validée, en un mois. Donc, six jours avant l’échéance, je me suis dit : « Allez, go, c’est un signe du destin, il faut le faire. » Cela m’a permis de réaliser cette petite fantaisie au marathon. »

Vous aviez déjà fait le record du monde en costume trois-pièces. Pourquoi avoir choisi le record du monde en pyjama et pas un autre ?

« Il y a plein de records qui existent avec des chronos qui sont un peu… Je ne vais pas dire ridicules, ça serait négatif, mais qui ne sont pas dans la performance, on va dire, des chronos à 4h, 4h30, des choses comme ça. Mais moi, j’avais cherché ceux qui avaient les chronos les plus bas. Et c’est comme ça que j’avais trouvé celui en costume. En plus, cela avait du sens, parce que c’était ma tenue de travail de tous les jours. Donc, c’est pour ça que j’avais fait celui-ci. Ensuite, j’avais aussi vu qu’il y avait un beau chrono sur le record en pyjama, qui était de 2h46. Un peu moins bon que le costume, mais avec une tenue plus confortable. C’était l’occasion. Je savais que j’allais pouvoir le prendre assez facilement. »

C’est assez commun de voir de tels records du monde en marathon ?

« Il y a plein de records sur le Guinness World Records, déguisés en héros de bande dessinée, déguisés en dinosaures, en monuments. Enfin, tout ce que l’on peut imaginer. Mais la plupart, c’est vraiment pour rigoler. Même en costume de pyjama, c’est pour rigoler. Mais bon, la plupart, ce sont des personnes qui ne cherchent pas du tout la performance. C’est surtout au marathon de Londres qu’il y a un partenariat avec le Guinness. Il y a des officiels qui viennent et qui donnent des records du monde à tous ceux qui sont déguisés et qui battent les précédents records. En fait, s’il y en a un qui se pointe en peau de banane et que personne n’avait jamais fait de record en peau de banane, il va avoir la marque de référence. »

Vous avez battu le record de plus de quatre minutes (2h42). Est-ce que c’était le chrono visé ?

« Oui, c’était exactement ce que je voulais faire. J’aurais pu faire beaucoup mieux, mais, comme je le disais, je suis là sur une grosse préparation pour une course vraiment majeure pour moi. Je ne voulais clairement pas laisser trop de jus et surtout laisser des traces sur mon corps qui m’auraient empêché de bien m’entraîner sur les semaines qui viennent. C’était clairement une sortie longue. Je m’étais dit que j’allais passer le premier semi en 1h20, parce que je savais qu’on avait un vent favorable, un vent de dos sur la première moitié du parcours. J’ai respecté à la lettre. Et je m’étais dit que ça me laisserait de la marge, que je pourrais faire le deuxième entre 1h22 et 1h25 avec le vent de face. Au final, j’ai respecté parfaitement ce que je voulais faire. C’est pour ça que j’étais plutôt confortable. C’est vrai que c’est un marathon qui n’est pas simple, parce qu’on a toujours le vent de face sur le retour, le soleil qui perce à partir du vingtième kilomètre. Cela fait pas mal de dégâts. Tout le monde a beaucoup pété sur la deuxième partie. Moi, pour le coup, je suis resté constant. J’ai rencontré énormément de personnes, les gars, ce sont des bons coureurs, ce sont des personnes qui ont terminé en moins de 2h45. Ils étaient dans le dur et il se faisait passer par un mec en pyjama. Je me sentais un peu mal. »

Vous avez participé à beaucoup de marathons, c’est votre troisième fois sur celui de Saumur. Est-ce que c’est un parcours que vous appréciez ?

« Oui, alors moi, j’ai eu de très mauvaises expériences sur le marathon de la Loire. Les deux fois, j’ai dû abandonner, c’est les deux seules fois où j’ai abandonné des courses. Parce qu’en fait, à chaque fois, je le faisais un mois après le marathon de Paris. C’était mon objectif principal dans l’année. Forcément, j’en sortais très fatigué. Je suis tombé malade parce que j’avais les défenses immunitaires au plus bas, je ne pouvais pas bien m’entraîner. J’avais quand même été invité l’année dernière sur le semi-marathon. Cela m’a permis de voir la deuxième partie du parcours. Donc, dimanche, je connaissais le parcours du début à la fin. Mais là, j’ai pu le finir. En plus, j’étais dans le confort, c’était génial. Cela m’a permis de profiter des paysages, des animations. C’est vraiment un super marathon, mais qui n’est pas simple. Clairement, il y en a beaucoup qui viennent pour le chrono. Il est annoncé comme roulant, sans dénivelé. Mais il y a ce vent de face sur le retour systématiquement. C’est là que le marathon devient dur. »

Vous avez évoqué le fait de vous entraîner pour une prochaine course. Quelles sont vos prochaines échéances ?

« Les prochaines courses sont surtout pour ma préparation. Ce n’est pas sûr à 100 %, mais je devrais faire Tout Angers Bouge, sur le 22 km, le 1er juin prochain. Ensuite, le week-end d’après, je vais courir Les Foulées du Gois, une course qui mène à Noirmoutier, qui est une route inondable. Je l’avais faite l’année dernière. On n’est qu’une trentaine, à être sélectionnés. On court dans l’eau, là, pour le coup. Contre la marée, montante ou descendante. C’est une course qui me tient à cœur. Puis, le gros objectif, cela va être le 28 juin, le grand raid de l’Ultra Marin. C’est sur 175 kilomètres. C’est la première fois. Je n’ai jamais fait plus de 100 kilomètres, mais je me rends compte que plus je me mets sur de longues distances, plus je performe. Cela m’a mis en confiance. Mon objectif, c’est clairement de pouvoir monter sur le podium. »

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans la course ?

« J’aime beaucoup l’ultra-endurance. Les efforts très longs, où le mental a une grosse part dans la performance, ça, j’aime beaucoup. C’est pour ça que je cherche des courses longues, mais plates. Moi, je n’aime pas l’idée de marcher dans des côtes. J’aime bien courir tout le temps, essayer de faire le meilleur chrono sur une distance. C’est ça qui me motive. C’est pour ça que l’Ultra Marin, c’est top, parce que c’est une belle course. C’est renommé, c’est long et c’est plat. Cela coche toutes les cases pour que je puisse m’amuser. »

C’est vraiment ce côté mental qui vous anime ?

« Oui, sur des efforts longs comme ça, c’est majeur. Bien sûr, il faut être prêt physiquement. Il faut être capable d’encaisser la charge. Mais de toute façon, c’est dur pour tout le monde à partir du 60e, 70e kilomètre. Mais, à la fin, ce ne sont plus les jambes qui fonctionnent, c’est la tête. On a qu’une envie, c’est d’arrêter. On a mal partout. Il ne faut pas se poser de questions, avancer dans la douleur. Et celui qui gagne, c’est celui qui arrive à se faire le plus mal. »

Pour terminer, c’est comment, la préparation pour une course longue comme l’Ultra Marin ?

« C’est toute une programmation à long terme. C’est vrai que l’Ultra Marin, ce n’est pas l’objectif majeur de mon année. Cela va dépendre de comment ça se passe. L’objectif derrière, c’est de faire une course de 24 heures, en septembre à Nantes. De pouvoir faire plus de 250 kilomètres en 24 heures. Ça permet d’ouvrir les portes de la qualification en équipe de France. Aujourd’hui, c’est ça qui me fait rêver. J’aime bien me mettre des objectifs ambitieux. Dans une préparation comme celle-ci. Ce qui est important, en fait, que ce soit du court ou du long, c’est vraiment d’avoir une progressivité de la charge d’entraînement. Augmenter semaine par semaine jusqu’à être capable d’encaisser des gros volumes. Je vais avoir trois grosses semaines à partir de la semaine prochaine avec des blocs d’entraînement que je n’ai jamais fait. »

 

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