C’est plus qu’une simple passion. C’est une véritable histoire d’amour, voire l’histoire d’une vie. Cette saison, Christophe LAGRANGE, c’est 143 joueurs à l’essai, toutes catégories confondues. Voilà le travail du responsable du recrutement du SCO d’Angers. Nous avons rencontré cet amoureux du football pour découvrir les secrets d’un recruteur dans un club de Ligue 1. Un reportage exclusif et signé de nos correspondants sur place, Samuel DUBOIS et Pacôme GOMEZ.
Il est 10h30. Mardi 10 juin. Centre administratif d’Angers SCO. Le parking est vide, la saison vient de s’achever. Cependant, les personnes de l’ombre sont toujours présentes. Christophe Lagrange, responsable du recrutement pour la formation, nous accueille. Nous entrons dans les locaux, en essayant de cacher les étoiles dans nos yeux. Entourés de photos des joueurs formés au SCO marquants le club ces dernières années. Puis, nous nous installons dans une pièce avec une vue imprenable, qui donne sur le terrain d’entraînement des professionnels. Ce terrain, Christophe Lagrange le connaît bien. D’ailleurs, le meilleur buteur de l’histoire du SCO s’y sent comme chez lui : “C’est vraiment au SCO où j’étais épanoui, j’étais entouré de bonnes personnes”, affirme-t-il. L’histoire de cette figure du SCO a tout l’air d’un conte de fées : « Mes six saisons ici restent gravées dans ma mémoire. D’autant plus que nous avons vécu la montée en 1993. J’ai laissé mon empreinte, je suis très content de cela« , raconte le principal intéressé. Malgré des débuts compliqués au club, l’attaquant a su régler la mire. Une force de travail et de niaque : c’est la « dalle angevine », avant l’heure.

Christophe Lagrange durant ses belles années en tant que joueur au SCO d’Angers
Un chercheur de perles rares
Après sa carrière professionnelle de footballeur, Christophe Lagrange est toujours rattaché au monde du ballon rond. C’est pour cela qu’il cherche une reconversion. Alors qu’il navigue entre différentes fonctions, il trouve finalement sa voie. Le SCO d’Angers, son club de cœur, lui propose un poste de responsable du recrutement. Depuis, son œil avisé parcourt les stades de la région, à la recherche de la perle rare : « Je suis sur les terrains tous les week-ends pour recruter des joueurs. Un joueur qui me plaît, je le vois six à sept fois. La semaine, ils viennent faire des essais de trois jours« , décrit-il. Un emploi du temps chargé pour Christophe Lagrange, qui doit accueillir des centaines de jeunes venus en essai. Pour le recrutement, l’ancien goleador angevin opère seul. Mais il tient tout de même à échanger avec les différents coachs pour cibler des profils. Derrière une apparence solitaire se cache un vrai travail d’équipe, qui lui tient à cœur : « Si le coach n’aime pas le joueur, il faut en rechercher un autre. Je n’impose pas les joueurs et je ne force pas les joueurs. On travaille beaucoup en équipe, c’est important« , assure-t-il.
« Un jeune de 17-18 ans qui rejoint le SCO sait qu’il a plus de chances qu’à Rennes ou à Monaco »

Jean-Mattéo Bahoya avec le SCO d’Angers pendant la saison en 2022/2023
Par ailleurs, avec son poste de responsable du recrutement, Christophe Lagrange a la lourde tâche de convaincre le joueur et son entourage de signer au SCO. Qui de mieux que le meilleur buteur de l’histoire du club pour attirer les jeunes à porter la tunique noire et blanche ? Pour les jeunes de la région, l’ex-footballeur a déjà ses arguments en tête : « On joue avec la proximité. Si un joueur d’ici me dit qu’il veut rejoindre l’AS Monaco, je lui dis qu’il ne va jamais voir ses parents« , explique-t-il. Un argument fort qui rebalance les cartes et confirme la politique du club : « Depuis 4-5 ans, notre devise est de promouvoir nos joueurs de la région. Ce n’est pas notre politique d’aller chercher un jeune à 800 ou 900 km. On s’aperçoit que la famille n’est pas loin pour les joueurs qui réussissent le plus« , affirme l’Ardennais de naissance. Une politique qui fonctionne à merveille. Pour preuve, la plupart des jeunes du centre de formation qui ont eu leur chance en professionnel cette saison viennent de la région (Sidiki Chérif, Marius Courcoul, Amine Moussaoui, par exemple). Sans oublier Jean-Mathéo Bahoya, le chouchou de Raymond Kopa l’année dernière (transféré à Francfort depuis), qui a réalisé toutes ses années de foot dans le département. Ce recruteur expérimenté joue également la carte de la concurrence, efficace pour leur laisser une place solide en professionnel : « Un jeune de 17-18 ans qui rejoint le SCO sait qu’il a plus de chances de réussir qu’à Rennes ou Monaco« , promet l’ancien attaquant pro.
« Le football a changé, c’est devenu un gros business »
Malgré cette passion, ce chercheur de pépites n’hésite pas à faire un constat de la réalité actuelle : « Aujourd’hui, les jeunes veulent faire tout trop vite. On n’est pas obligé de percer à 17-18 ans« , rappelle cet Angevin de cœur. De plus, Christophe Lagrange tient à nous rappeler un détail, qui fait toute la différence. Le contraste total entre les années 1990 et les années 2010. Nul autre que deux mondes différents : « À mon époque, pour signer pro, il fallait faire vingt matchs en professionnel. Aujourd’hui, on signe pro sans même avoir joué un match« , compare-t-il. C’est visible à l’œil nu, le football évolue et s’accélère de plus en plus. La vision est claire pour cet amoureux du ballon rond : « Le football a changé, c’est devenu un gros business« , déplore-t-il. Inconsciemment, voilà des mots qui font écho à une déclaration d’un certain Kylian Mbappé.
L’importance de la maturité et de l’entourage
Attention, le talent ne suffit pas pour promettre un avenir à un jeune, ainsi qu’à ses parents. Plusieurs facteurs entrent en jeu pour verrouiller la réussite d’un prodige. Malgré la soif de performance, certains détails sont souvent négligés par certains joueurs. Pour le coup, c’est l’expérience en personne qui nous l’explique : « Les jeunes hommes doivent avoir les pieds sur terre. Ils doivent être matures. C’est important que les joueurs soient bien mentalement, et que l’entourage soit présent« , souligne cet ancien joueur professionnel. Du jour au lendemain, tout peut basculer : « Quand ils obtiennent leur premier appartement, la fête peut parfois prendre le dessus« , constate tristement ce recruteur. À l’inverse, les recettes magiques n’existent pas pour réussir. En l’occurrence, cet Angevin nous le prouve facilement à l’aide d’exemples marquants : « Jean-Mattéo Bahoya ou Désiré Doué sont des joueurs bien entourés dans leur carrière« , illustre-t-il.
Finalement, il y a un avant et un après cette rencontre au centre de formation. Un moment suspendu dans le temps, riche en apprentissages. En effet, soixante minutes ressenties comme soixante secondes, mais suffisantes pour découvrir les coulisses du recrutement du SCO.