Jimmy GRESSIER a décroché une deuxième médaille aux championnats du monde de Tokyo, en prenant le bronze du 5000 m au terme d’une course maitrisée, où tout s’est joué dans le dernier tour.
Cette fois, plus personne ne pourra dire qu’il ne l’a pas vu venir. Champion du monde du 10 000 m dimanche, Jimmy Gressier a conquis une nouvelle médaille, cette fois en bronze, lors de la finale du 5000 m. Sous un début de pluie, les fondeurs se sont empressés d’en finir avant le déluge qui a fait rentrer les discoboles à l’abri (le concours a été arrêté pendant plus d’une heure). Et après un début de course sur courant alternatif, c’est un gros paquet de dix costauds qui se sont expliqués dans le dernier tour. Si Cole Hocker était intouchable pour la gagne, avec sa vitesse de pointe de spécialiste du 1500 m, Jimmy Gressier a trouvé les ressources pour aller chercher la troisième place, en 12’59’’33, derrière le Belge Isaac Kimeli mais devant l’Ethiopien Biniam Mehary, qui le devançait à la sortie du dernier virage. Avant lui, seules Eunice Barber (heptathlon et longueur en 2003 et 2005) et Christine Arron (100 m et 200 m en 2005) avaient réussi l’exploit de ramener deux médailles individuelles d’une même édition des championnats du monde.
« Je les connais de nom, mais pour être honnête, je ne suivais pas l’athlé à cette époque. Mais je mesure aujourd’hui ce qu’il faut faire pour avoir deux médailles mondiales », reconnaissait-il après coup. Le Boulonnais a dû « se remobiliser mentalement », ce qui n’a pas été une mince affaire après son exploit de la semaine passée, et composer avec « une troisième course de haut niveau », en tenant compte des séries du 5000 m. « Au départ, mes jambes n’étaient pas fraîches, fraîches, mais je m’y attendais, notait-il. J’ai quand même joué la gagne, jusqu’au bout. Dans le dernier virage, je me suis même vu gagner en mettant un gros kick. Mais quand j’ai vu passer Cole Hocker à toute vitesse au début de la ligne droite, ça m’a coupé les jambes ! J’ai quand même pu tenir en regardant sur l’écran géant que j’étais bien sur le podium… »
Si Gressier avait pris le parti de se placer en sixième position dans la file indienne des quatre premiers kilomètres, laissant Grant Fisher et Hagos Gebrhiwet dicter le train, Yann Schrub et Etienne ont opté pour une tactique plus prudente. Le champion de France mosellan a tenté de se replacer à quatre tours de l’arrivée, mais il n’avait plus les armes pour la grande bataille de la dernière ligne droite, achevée au neuvième rang, en 13’01’’34. « J’ai tout donné, mais à la fin, j’étais cuit, tout simplement. Mon grand regret, c’est de finir neuvième, parce qu’entre huit et neuf, ça change beaucoup de choses. Après, le podium n’était possible aujourd’hui, mais Jimmy nous a ouvert la voie, donc on va continuer de travailler pour y goûter à notre tour », résumait-il. Le Talençais Daguinos a terminé quatorzième de sa première finale mondiale, en 13’11’’72. « Je pensais avoir bien récupéré, mais dès que c’est parti vite, mes jambes étaient vraiment dans le dur, expliquait-il plus tard. C’était mon grand défi : enchaîner deux courses en 48 heures. A l’emballage final, j’étais cuit, et j’ai fini comme j’ai pu. » Dix minutes plus tard, les relayeurs du 4×400 m jouaient dans les flaques sur le tartan. Jimmy Gressier, lui, nageait dans le bonheur, et cela devrait durer encore quelques semaines.
BILAN DES CHAMPIONNATS DU MONDE
Frank BIGNET : Notre bilan est encourageant
« Le directeur technique national Frank Bignet, et le directeur de la haute performance, Romain Barras, ont pris le temps de livrer leurs observations sur les neuf jours de compétition au Japon et sur les enseignements à en tirer pour préparer les prochaines échéances internationales. »
Quel regard portez-vous sur ces championnats du monde ?
« Je dirais simplement que Jimmy Gressier a ouvert le champ des possibles. Il a montré qu’avec sa capacité d’analyser le contexte d’un championnat du monde, et une préparation sportive précise dans les mois, semaines et jours qui précèdent, c’est possible. Il a cru en lui. Cette conviction est venue en cheminant, tout au long de la saison à travers ses résultats. Sur ces deux courses, il a osé au moment opportun. Il a embarqué avec lui quatorze autres finalistes, c’est encourageant. Deux médailles et seize finales, c’est une bonne base. Mais je suis forcément insatisfait, parce que je pense qu’on peut et doit mieux faire encore. »
Quelles pistes d’amélioration entrevoyez-vous ?
« D’abord en étant plus précis dans l’accompagnement des athlètes et dans la prise en compte de leur singularité. Certains ont manqué de projection. Ils auront une nouvelle opportunité dans deux ans à Pékin. Ce sera notre prochain grand rendez-vous, même s’il y aura des championnats d’Europe, en individuel et par équipes, et des relais mondiaux, et le prochain révélateur de notre état de santé sportif. On y retrouvera des conditions environnementales quasi-identiques et un calendrier similaire, puisque ce sera mi-septembre. Il y a tout un tas de petits détails sur lesquels travailler, à travers des diagnostics les plus fins possibles. Le travail de la Fédération est aussi d’apporter des solutions à nos athlètes. »
Certains athlètes n’étaient pas à 100% de leur potentiel physique à Tokyo…
« La prévention des blessures fait vraiment partie des chantiers que nous devons engager, même si ça ne concerne pas que la France. On l’a vu, on ne peut pas arriver aux Mondiaux en étant à 95 %, sans être sûr de soi et de ses capacités. Certains ont compris qu’il était préférable de ne pas venir, parce que quand vous avez l’habitude de jouer des médailles, vous n’apprenez pas grand-chose en vous accrochant à tout prix pour accéder à une finale. Il va falloir être capable de prendre en compte notre capacité à renoncer. »
Le demi-fond est-il la locomotive qui peut porter tout l’athlétisme tricolore ?
« Le demi-fond est peut-être la spécialité qui a le mieux appréhendé le contexte d’un grand championnat. Ils ont su optimiser tous les aspects de la performance. Il y a une vraie dynamique, au-delà de Jimmy Gressier, et je souhaite que cela inspire tout le monde. »
Romain BARRAS
Quel est votre sentiment à l’issue de cette édition des Mondiaux post-olympiques ?
« J’avais à cœur de terminer proprement le travail entamé. Il faut se rappeler d’où on vient : à Eugene, en 2022, nous avions une médaille et huit finalistes, soit moitié moins qu’aujourd’hui. Des chantiers ont été menés. Ce qui paie dans le sport de haut niveau, c’est la régularité et la continuité. Il faut suivre la voie entamée et mise en place. Le demi-fond en est l’exemple : on arrive à rassembler les athlètes en dehors des temps de compétition, et c’est ainsi que l’on progresse. La haute performance, c’est se tirer vers le haut ensemble, pas s’entraîner seul dans son coin. A titre personnel, il y a eu des moments difficiles, d’autres plus beaux. C’est le lot d’un directeur de la haute performance en athlétisme. »
Vous dîtes depuis longtemps que l’équipe de France sera sans doute plus prête en 2028 qu’en 2024. Les résultats de 2025, sans quelques-uns des meilleurs éléments des Jeux de Paris, vous confortent-ils dans cette idée ?
« Los Angeles 2028 est en marche. On n’avait pas tablé que presque tous nos meilleurs de Paris soient blessés cette année, comme Cyréna Samba-Mayela, Clément Ducos, Alice Finot, et nos résultats 2025 sont encourageants. Il faut aussi compter avec les jeunes qui ont montré aux championnats d’Europe U23 à Bergen qui vont alimenter la dynamique des prochaines années. Trois ans, c’est très long. Certains athlètes vont régresser, d’autres progresser fortement, et d’autres encore exploser en année olympique. C’est le lot de l’athlétisme. A nous de les accompagner au mieux et les orienter vers la haute performance. »
Comment interpréter certaines performances d’athlètes qui figuraient parmi les meilleurs de leurs disciplines mais n’ont pas été à la hauteur des espérances ?
« Un championnat, qui plus est au niveau mondial, est le reflet d’une saison. On ne peut pas arriver à 95 % de sa forme et se dire qu’on compensera avec un autre élément, comme en sport collectif. Si on n’est pas à 120 % sur la piste, on n’a pas de médaille. Quand on a une saison chaotique, en dents de scie, il est difficile d’être bon en championnat. En revanche, si on a une continuité sur dix ou douze mois d’entraînement, on peut construire une bonne base de réussite. Jimmy (Gressier) en est la meilleure preuve. »








