Nous sommes partis à la rencontre d’Eric HERAULT, qui reviendra avec nous sur sa participation à la 6000 D, en Savoie. Il nous évoquera sa préparation et ses longues semaines d’entraînement. Puis, il nous présentera le parcours de ce trail mythique en Savoie. Ensuite, il nous fera un débriefing de sa course étape par étape, jusqu’à la fameuse arrivée des 69 kilomètres, entre le froid et les galères en altitude, sans oublier les doutes et le fait de penser à abandonner. Enfin, il nous relatera sa performance sportive, où il aura eu la joie de terminer à la douzième place de l’épreuve.

Bonjour Eric, pouvez-vous nous parler de votre préparation ?

« Ma préparation spécifique a surtout été faite dans le Saumurois et le Sancy (un week-end en juin + une semaine en juillet après ma course de préparation à L’AQUATERRA à Bort les Orgues 47km D+2000m, le 12 juillet dernier). Puis, lors des deux dernières semaines avant l’épreuve de la 6000 D, je suis parti en acclimatation de l’altitude à Val Thorens, sachant que j’ai tendance à avoir des difficultés respiratoires en altitude sur mes courses de montagne. Durant ces deux semaines d’entraînement, j’avais repéré la partie sommitale, le lundi de la semaine de la course, afin de connaître les difficultés du parcours. »

Vous avez connu la neige ?

« En effet, le matin, il avait neigé, mais quand je l’avais reconnu l’après-midi, ce n’était qu’un saupoudrage au sol. J’avais remarqué que le vent soufflait tout de même plus fort, mais le temps était ensoleillé, donc, avec une bonne veste, ça passait. Grâce à mon acclimatation, je me suis entraîné assez haut, donc les températures étaient plus fraîches de 10 voir 15° de moins qu’à Saumur. Malgré tout cela, j’ai quand même eu froid sur la course, mais sûrement moins que si j’étais resté faire mes entraînements à Saumur. »

Durant la course, comment avez vous gérez le sommeil et la fatigue ?

« Concernant mon sommeil et ma fatigue, étant en vacances, ce sont des paramètres que j’ai plutôt bien gérés. J’avais programmé mon objectif durant une période (travail, famille et vie personnelle), où je savais que tous les voyants seraient au vert. »

Pouvez-vous revenir sur votre cette compétition sportive ?

« Oui, bien sûr. J’ai participé à la 6000 D. C’est une course à pied en montagne, qui date de 35 ans et qui se déroule en Tarentaise, en Savoie. C’est une épreuve sportive qui est adaptée aux trailers de tous niveaux, avec plusieurs distances. De mon côté, j’ai participé à celle de 69 km avec 3400 (D+). C’est d’ailleurs un trail qui est réputé en Savoie. »

Pourquoi son nom de 6000 D ?

« Tout simplement parce que la 6000 D doit son nom aux 6000 mètres de dénivelé cumulé, avec environ 3000m de dénivelé en montée et 3000m de dénivelé en descente. Le départ se fait Aime-la-Plagne, à 677m d’altitude, et monte jusqu’à 3064m d’altitude (il n’est pas rare qu’il reste un peu de neige en haut lors de la course). C’est un peu une course mythique. De plus, ce n’est pas rien de monter les pommiers au glacier de Bellecôte à 3080 m d’altitude avec un passage dans les stations d’altitude de la Grande Plagne pour redescendre ensuite à travers la forêt à Montchavin-les-Coches, pour finir le long de l’Isère… Mais, ce qui est sympa, c’est le public nombreux qui est enthousiaste et qui nous encourage tout au long du parcours. »

Le parcours était bien balisé ?

« Oui, nous avions un parcours balisé de haute volée, à 95% sur chemins et sentiers savoyards de Tarentaise. »

Est-ce qu’il y avait suffisamment de ravitaillements ?

« Disons qu’il y avait uniquement cinq ravitaillements (nourriture et boissons) et trois points d’eau (boissons uniquement) sur les 69 km. Courir en autosuffisance était recommandé. »

A quelle heure était le départ ?

« Nous sommes partis dès 5h du matin, du village d’Aime en vallée avec une altitude de 677m. »

Est-ce qu’il avait une barrière horaire pour les finishers ?

« Non, il n’y avait pas véritablement de temps limité à l’arrivée, même s’il fallait arriver à Sangot avant 18h30. »

Aviez-vous du matériel obligatoire, à avoir sur vous durant l’épreuve ?

« Oui, nous devions avoir un téléphone portable, un gobelet réutilisable ou flasque, un sachet zippé pour mettre notre nourriture aux ravitaillements, des crampons ou des chaînes à neige (à mettre par-dessus nos chaussures), une lampe frontale, un sifflet, 1,5 litre d’eau, une couverture de survie, une veste étanche et respirante à manches longues. De plus, il était fortement recommandé d’avoir des gants, des lunettes, une casquette ou autre, de l’eau et de l’alimentation. »

Quel a été votre résultat au final et êtes-vous satisfait de votre performance ?

« Je dirais que j’ai atteint mon objectif en terminant à la douzième place en 7h 18’35. Cela n’est pas mal lorsque vous voyez que le vainqueur de l’épreuve, Sébastien SPEHLER, a terminé en 6h10’18 ! Je tiens à remercier la montagne de m’avoir fait vivre une aventure qui restera gravée dans ma mémoire des courses les plus difficiles, grâce aux conditions météo dantesques et des sentiers transformés en parcours de cross. »

Pouvez-vous nous faire le débriefing de votre aventure ?

« Le départ a été roulant sur les premiers kilomètres. J’ai suivi le deuxième wagon de tête, puis j’ai relâché au début de la première montée. J’ai suivi mon plan durant les vingt premiers kilomètres, en restant calme et sans forcer jusqu’au deuxième ravito. Le timing fixé a été respecté et tous les voyants étaient au vert. »

Comment cela s’est passé entre le deuxième et le troisième ravitaillement ?

« Entre le deuxième et le troisième ravitaillement, on s’est pris une pluie fraîche. On en avait pris une première après la piste de Bobsleigh, mais nous étions un peu protégés des bois et je n’avais pas eu de mal à mettre mon imperméable. Ensuite, je me suis refroidi et j’ai essayé de fermer ma veste imperméable, mais mes doigts étaient déjà gelés par le froid. J’ai trop attendu pensant qu’elle allait s’arrêter. »

Le troisième ravitaillement a été le bienvenu après la galère du froid ?

« C’est exactement cela, arrivé au troisième ravito, en bas du glacier, j’ai changé de T-shirt et j’ai essayé d’enfiler mes gants, mais c’était impossible avec mes doigts trop mouillés, donc, j’ai pris une autre paire. Je suis reparti après un long temps d’arrêt, toujours frigorifié, mais avec mon imperméable fermé, un T-shirt sec, des gants et un ravitaillement avec un thé bien chaud. A cette occasion, je remercie Aurélie AURE, sans elle, je n’aurais pas pu y arriver. Je déteste le froid et ne le supporte pas en général, mes doigts s’engourdissent vite et mes pieds suivent en général. Sans ce paramètre, je pense que j’aurais pu gagner beaucoup plus de places, au final… »

Vous avez eu des problèmes d’alimentation après avoir connu le froid ?

« Disons qu’à partir de là, je n’arrivais plus trop à m’alimenter, mais comme j’avais bien mangé le matin et sur les ravitos d’avant, la montée et la descente du glacier s’est plutôt bien passée de ce côté-là. Par contre, j’ai eu froid durant toute la montée et la descente, avec du vent et de la neige. Avec les jambes flageolantes, les doigts gelés, les pieds mouillés et gelés, j’ai alors gaspillé beaucoup d’énergie dans la montée en forçant beaucoup trop, afin de me réchauffer, mais heureusement, je l’avais reconnu et cela m’a beaucoup aidé, car je savais qu’en descendant, j’allais me réchauffer. »

Après le quatrième ravitaillement, vous avez dû faire demi-tour ?

« C’est cela. Arrivé au quatrième ravito en bas du glacier, j’ai juste pris une soupe qui m’a fait un très grand bien, puis je suis parti dans la descente, mais là, on m’a indiqué qu’ils avaient dérouté la course et que les concurrents qui étaient devant n’étaient pas montés au glacier. Il a fallu doubler beaucoup de monde dans la descente. En plus de cela, la pluie avait détérioré le chemin et il était difficile de doubler rapidement les concurrents, car le terrain devenait de plus en plus glissant, voir dangereux à certains endroits. »

Ensuite, vous avez pensé à abandonner ?

« Disons que je suis arrivé en bas de la descente en direction du Col de l’Arpette et là, mes jambes se sont tétanisées par le coup de chaud (après le coup de froid), impossible de courir normalement, je n’avais plus de force dans les jambes, seuls mes bras arrivaient à avoir une cadence active, mais pas le choix, j’ai pris mon mal en patience et j’ai continué à avancer. On ne sait jamais, ça pouvait revenir derrière… En haut de l’Arpette, j’ai essayé de repartir, mais j’ai eu du mal à reprendre un rythme soutenu, jusqu’au prochain ravito. C’est à ce moment-là, que je me suis dit que la course était terminée pour moi… »

Le soutien de vos proches vous a aidé à terminer la course ?

« Oui, cela a été important pour moi, car arrivé au cinquième ravito, ma chérie était là et j’ai eu envie d’abandonner, mais elle m’a boosté en me disant qu’il fallait tout donner dans la descente, que j’allais y arriver. A ce moment-là, je me suis rappelé que c’est mon objectif principal de l’année, donc je ne pouvais pas abandonner. C’est à partir de ce moment-là, que j’ai débranché mon cerveau et que je me mis en mode guerrier comme en cross, afin de rattraper et de dépasser un maximum de monde, même si je ne savais pas si c’étaient des déroutés ou ceux venant des glaciers comme moi. Gels sur gels, afin d’avoir un maximum d’énergie en plus de mon hydratation glucidique, je me suis fait une descente la plus vite possible et j’ai doublé pas mal d’athlètes, jusqu’à la fin et dans les derniers kilomètres, j’ai reconnu ma concurrence, celle du second wagon de tête et cela m’a boosté énormément. J’ai terminé comme je le pouvais avec mes dernières forces. »

Pour terminer, vous avez eu la satisfaction d’avoir franchi l’arrivée, même si dans un premier temps, vous avez été déçu par votre classement ?

« Oui, car sur la ligne d’arrivée, on m’a annoncé être 21e de l’épreuve. J’étais alors très déçu au vu de l’effort fourni, mais ma chérie m’a dit qu’il y avait sûrement des déroutés devant moi. Et en effet, je finis douzième de la course et l’objectif est atteint. Au final, je suis super content. J’ai explosé de joie et j’ai crié ma satisfaction. Je dirais que ma gestion de course a été au top jusqu’au bas du glacier, mes sensations et mon entraînement aussi. »

Le parcours d’Eric HERAULT sur la 6000 D