Jimmy Gressier a livré un récital tactique pour devenir champion du monde du 10 000 m dimanche soir à Tokyo. L’ancien crossman prodige, spécialiste des gros chronos sur la route mais maudit sur la piste, a écrit l’une des plus belles pages de l’histoire de l’athlétisme français en devenant le neuvième Français champion du monde en individuel, et le premier sur cette distance.
Lui-même n’y a pas cru tout de suite. Même s’il a levé les bras en passant la ligne, Jimmy Gressier avait du mal à prendre la mesure de ce qu’il venait de réaliser une fois allongé sur la piste en tartan quelques mètres plus loin. En devançant au sprint l’Ethiopien Yomif Kejelcha, au terme d’une ligne droite rageuse, l’enfant du Chemin vert à Boulogne-sur-Mer est devenu champion du monde du 10 000 m. Impeccable dans son placement de bout en bout des 25 tours, engloutis comme souvent sur une allure alternative au gré des envies des Kenyans et Ethiopiens, Gressier est sorti de sa boîte à la sortie du dernier virage, pour avaler les uns après les autres les quatre concurrents qui le devançaient, jusqu’à rallier l’arrivée en 28’55’’77.
« C’est fou, je rejoins le cercle fermé des champions du monde français, comme Zizou ! Je réalise sans trop réaliser. Je pleure plus en regardant The Voice et les gamins chanter à la télé que quand je suis champion du monde, parce que je suis dans l’action. Mais être champion du monde, ce n’est pas tous les jours. La médaille est au tour du cou, on ne me l’enlèvera plus. J’ai beaucoup de monde à remercier pour m’avoir soutenu tout au long de ces années. C’est une récompense pour le personnage que j’essaie d’être au quotidien », rayonnait le nouveau champion du monde.
Le champion d’Europe du semi-marathon, qui s’est révélé dans les labours au milieu des années 2010, a longtemps cherché le bon filon pour convertir son talent à la piste, alors qu’il enchaîne depuis longtemps les gros chronos sur le bitume à l’automne et au printemps. Cette année, les planètes se sont alignées et le Boulonnais a ouvert une brèche en surprenant les favoris de la finale de la Diamond League à Zurich fin août. « Beaucoup de personnes croyaient que gagner le 10 000 m était impossible pour les Occidentaux, mais le 3000 m de Zurich m’a donné beaucoup d’espérance. Et ça fait longtemps que je travaille à l’entraînement pour être capable de suivre les meilleurs du monde dans un dernier tour. La différence, c’est la maturité. Maintenant, je n’arrive plus cramé le jour du championnat parce que je me suis envoyé une séance de la mort pour me rassurer quelques jours avant », développait Gressier.
La confiance gonflée et la recette connue, Gressier a laissé s’épuiser Andreas Almgren et Grant Fisher, restant gentiment en position d’attente dans les deux derniers kilomètres. Dans un peloton encore très fourni, quinze hommes se jouant encore la gagne à 300 m du but, il s’est appliqué à coller la lice, « persuadé que ça allait s’ouvrir à un moment ». S’il a vu Kejelcha faire sauter la banque à 200 m de la ligne, rien ne pouvait l’empêcher de réaliser son rêve dans la dernière ligne droite.








