Nous sommes partis à la rencontre du président de la Vaillante d’Angers SP, Julien PARCHARD. Il reviendra sur l’histoire entre le joueur U18 du club angevin et l’arbitre du match, qui avait opposé son club à celui de l’AS Le Mans Villaret, dans le championnat régional U18. Il nous donnera son avis sur le profil de l’agresseur et sur les conséquences des faits, à la fois pour le joueur que pour son club. Puis, il nous expliquera les différentes actions mises en place par ce club de ville, souvent plus compliquer à gérer que ceux de la périphérie. Ensuite, il évoquera son discours envers les jeunes du club, les sanctions encourues, les nouvelles directives et son sentiment sur la situation subie. Agacé par les événements, où l’on préfère souligner les histoires négatives, au lieu de mettre en valeur les valeurs éducatives réalisées depuis de nombreuses années, il nous dira s’il a pensé quitter son rôle de président.
Bonjour Julien, tout d’abord, pouvez-vous revenir en détail sur les faits qui se sont produits, le samedi 17 février 2020, lors d’un match de championnat régional, où votre club de la Vaillante d’Angers recevait l’équipe de l’AS Le Mans Villaret ?
« Tout d’abord, je tenais à vous remercier de me donner la parole en donnant ma version des faits. J’ai pu lire tout un tas de choses sur internet, où tout n’est pas forcément la réalité. Concernant le match, jusqu’au moment des faits, tout se passait très bien, que cela soit entre les deux équipes et avec le trio d’arbitres, ainsi qu’avec l’observateur du match. On était mené trois buts à un, et sur une faute du joueur de chez nous, l’arbitre prend la décision de mettre un carton jaune. C’est alors que notre joueur pète complètement un plomb en menaçant l’arbitre de violence, si ce dernier lui mettait un carton jaune. Il s’est alors exprimé : « Si tu me mets un carton, je te nique… » C’est au moment du carton jaune reçu, que notre joueur a asséné un coup-de-poing à l’arbitre, puis lorsque ce dernier s’est retrouvé au sol, il a récidivé avec un coup de pied dans le ventre. Du coup, son capitaine, qui était près de l’action, l’a retenu, ensuite les éducateurs sont arrivés sur le terrain afin de le ceinturer et de l’évacuer du terrain. Du coup, l’arbitre du match était complètement groggy, la rencontre a alors été arrêtée, à la 85e minute de jeu. Pourtant, durant le match, le joueur n’avait pas montré de signes de nervosité. »
Que pouvez-vous nous dire sur le profil de l’agresseur ?
« C’est un jeune de la même génération que mon fils, ils ont tout le temps joué ensemble. C’est un gamin que je connais depuis qu’il joue en catégorie U12. Le pire, c’est que durant toutes ces années-là, on a jamais eu aucun problème avec lui, c’était un garçon plutôt discret, qui ne s’exprimait pas plus que cela dans le vestiaire. Comme je dis, parfois, il y a des personnes où tu peux avoir des doutes, tu peux te dire que sur un terrain, il va être un peu plus nerveux que les autres, alors que lui absolument pas… Franchement, on ne se doutait pas qu’il pouvait péter un plomb comme ça. »
Et concernant cette saison ?
« Il est vrai que depuis le début de la saison, son cas était un peu particulier, un peu plus difficile à gérer, à contrario des saisons précédentes où il ne s’était jamais rien passé. Étant un joueur U17, il était surclassé cette saison, en évoluant en catégorie U18, dû à un problème d’effectif. »
Vis-à-vis de sa famille, nous ne donnerons pas son identité. Simplement, est-ce que c’est un jeune qui habite dans un quartier difficile d’Angers ?
« Justement, ce n’est pas un jeune qui habite dans un quartier sensible d’Angers, loin de là. De plus, sa maman, je la connais, je l’ai vu plusieurs fois au club, il y a aussi son frère qui joue au club… Ce n’est pas une famille à problèmes. Il a des personnes autour de lui, ce n’est pas un gamin qui vit seul dans un quartier compliqué ou en plein milieu d’une cité. »
Aviez-vous senti les prémices de tels actes de violence et d’une certaine instabilité d’humeur chez ce garçon ?
« Non, pas du tout. Malgré tout, comme disait mon fils, ces derniers temps, il était un peu plus agressif, un peu plus au contact durant les entraînements, mais pas de là, à penser qu’il serait capable de tels actes… »
Il n’avait pas de problèmes à l’école ?
Alors ça, malheureusement, on l’a su plus ou moins après, de part ses éducateurs, qu’il avait effectivement une instabilité d’humeur, que depuis cette saison, il avait quelques petits soucis extra-sportifs, dont quelques conflits avec sa mère, où c’était un peu tendu. »
Est-ce qu’il a eu un rapport de fait, à la suite de cet épisode de match ?
« En fait, samedi soir, comme je n’étais pas présent au match, il y a François ROBERT (membre du bureau du club angevin), qui m’a appelé pour me prévenir de qui s’était passé. Je lui ai dit que de toute manière, on prendrait l’arbitre en charge, on s’occuperait de lui physiquement et on l’emmènerait porter plainte à la gendarmerie. On s’est aussi occupé de la maman de l’arbitre qui était présente, en l’accompagnant dans les démarches à effectuer, à savoir emmener son fils à l’hôpital, le soigner et réaliser le dépôt de plainte. »
Que pouvez-vous nous dire sur les blessures du jeune arbitre ?
« Je l’ai eu au téléphone le dimanche en fin d’après-midi. J’ai souhaité l’appeler afin d’avoir de ses nouvelles. Aux dernières nouvelles, il avait mal aux cervicales. Mais à priori, il était atteint plus psychologiquement, que physiquement. Par contre, il m’a dit qu’il avait eu six jours d’arrêt de travail. Il devait aussi repasser des examens médicaux, le lundi après-midi.
Comment a réagi le club de la Vaillante d’Angers ?
« Dans un premier temps, notre préoccupation première était la santé de l’arbitre. Ensuite, en tant que président du club de la Vaillante d’Angers, j’ai rédigé un courrier le dimanche, au président du District de Maine-et-Loire de Football, de la Ligue des Pays de la Loire de Football, au président des commissions d’arbitrage et envers tous les arbitres et observateurs qui étaient présents au match. En tant que président du club, j’ai envoyé toutes mes excuses à chacune des parties, même envers le président du Mans Villaret, en indiquant que l’acte de notre joueur était inadmissible et intolérable, et que de toute manière, je demandais la radiation de sa licence et qu’il était naturellement exclu du club. On ne peut absolument pas cautionner ce genre d’acte, ce n’est absolument pas ce que l’on veut voir sur un terrain de football, ou même de sport. On fait du sport avant tout, pour prendre du plaisir, que cela soit les joueurs, les arbitres, et ne pas être dans l’agressivité ou tout du moins, dans l’impulsivité. Et donc, depuis lundi dernier, on fait le tour de toutes les équipes du club, afin d’échanger et d’expliquer ce que risque le joueur, ce qui va se passer. »
Et en tant que président du club ?
« Si vous voulez, mon premier sentiment en tant que président du club, c’est qu’en l’espace de cinq minutes, on a cassé l’image de dix ans de travail. On a travaillé pendant tant d’années sur l’image du club et aujourd’hui, je pense que notre image a bien évolué, par rapport à ce qu’elle a été par le passé. J’ai régulièrement des félicitations de la part des autres clubs à ce sujet. Et puis en cinq minutes d’un fait isolé, ce gamin a détruit l’image du club. Malheureusement, dans ce genre de situation, on ne peut que subir. Mais je tiens à dire, que c’est un cas isolé, sur quatre cent licenciés. C’est là, que ça fait mal. »
Quelle a été la réaction des joueurs de son équipe, mais aussi des jeunes des autres catégories d’âge ?
« Au moment présent, je ne pense pas que ses coéquipiers avaient conscience de la gravité des faits. Mais depuis que l’on est passé dans toutes les catégories, lundi dernier, je pense qu’il y a une réelle prise de conscience par rapport à cette histoire. On leur a vraiment expliqué, quel était le rôle de l’arbitre et comment il était considéré par les instances. Il faut savoir que depuis la loi de 2006, les arbitres sont protégés pénalement, et que cela devient du judiciaire, lorsque tu portes un coup à un arbitre. Ce genre de fait peut aller très loin, car en dehors du côté sportif où il sera très certainement exclu du football pendant de nombreuses années, il va faire payer sa famille de ses actes. De plus, il va se retrouver avec un casier judiciaire. »
C’est maintenant à la Ligue des Pays de la Loire de prendre la mesure des sanctions ?
« En effet, comme c’était un match de niveau régional, c’est la Ligue qui prendra connaissance du rapport et qui prendra les sanctions, suivant un barème fixé. »
Est-ce qu’il va y avoir des sanctions au niveau de votre club ?
« Sportivement, c’est certain, car il y a le challenge du fair-play. Cela veut dire qu’en fonction du nombre de matchs de suspension, tu perds des points. On va donc perdre énormément de points en championnat. D’un point de vue financier, on va aussi prendre une amende, le joueur aussi. Alors par rapport à la perte de points, oui c’est sûr, on assumera toutes les conséquences, mais cela passe au second degré. Mais ce qui m’intéresse avant tout, c’est l’éducation et les actions que l’on réalise au sein du club. »
Comment va se positionner le club, vis-à-vis de la situation ?
« Le club ne peut pas se porter partie civile. Mais ce qui est sûr, c’est que dans un premier temps, on a souhaité accompagné l’arbitre dans ses démarches et la deuxième chose, c’est que l’on ne fera aucune démarche pour se porter avocat du joueur. Lors de la commission à la Ligue, on ne se déplacera pas, car on n’a rien à défendre et que toutes les sanctions qui seront prises, seront acceptées, car elles seront les bonnes. On ne va absolument pas défendre le joueur, car il est indéfendable, inexcusable et impardonnable. »
D’un point de vue sportif, de quoi se risque le club ?
« On risque de perdre énormément de points en championnat, dans la catégorie U18. »
Les championnats seniors ne seront pas impactés par les sanctions ?
« Non, les sanctions ne peuvent être prises que dans la catégorie jeune et non dans celles des équipes seniors. »
A partir de maintenant, qu’est-ce que vous allez mettre en place au sein du club ?
« Déjà et je le répète, nous sommes passés dans toutes les catégories de football à onze, pour réellement expliquer les risques encourus en cas de violence sur un terrain de football, ou liés à ce genre de comportement. Nous avons aussi bien expliqué les conséquences de ce genre d’acte, car c’est très important. Jusqu’à présent, on aimait bien laisser une deuxième chance au joueur. Généralement, lorsqu’un joueur prenait un carton rouge en dehors d’un fait de jeu ou d’un joueur qui était deux ou trois fois en retard, il y avait une commission qui laissait une deuxième chance. Par contre maintenant, ce sera la tolérance zéro. Cette histoire va nous servir de leçon. »
Et quelle va être votre position envers les parents des joueurs ?
« Il est sûr que lors du début de la prochaine saison et lors des premières réunions avec les parents, on tâchera de sensibiliser ces derniers sur le comportement de leurs enfants, lors de leur pratique du football au sein de notre club. C’est certain que cela sera un axe qui sera un peu plus évoqué, et notamment dans le respect des arbitres. »
Avez-vous des regrets de ne pas avoir anticipé les événements ?
« (soupir) Franchement, dans le cas du joueur en question, je ne peux pas avoir de regrets, car c’était insoupçonnable, venant de cette personne-là. Si effectivement, c’était quelqu’un que l’on avait ciblé de par son attitude, tu pourrais te dire que tu pourrais avoir des regrets, mais avec lui, je n’aurais même pas mis un billet pour qu’il en arrive à un tel pétage de plomb. »
Aujourd’hui, quels sont vos sentiments ?
« C’est un peu de tout. C’est surtout de l’énervement d’en être arrivé là. Ce n’est pas ce qu’on leur apprend dans les équipes de jeunes, de par nos éducateurs. Je dirais que c’est un cas isolé, où cette attitude est arrivée d’ailleurs, et non de notre club ou de la pratique du football. Je le répète, c’est impardonnable et injustifiable, même si l’on en subit les conséquences au sein du club. Cela te dit aussi qu’il faut toujours en faire plus. J’ai aussi un autre sentiment. On parle beaucoup de ce fait là, car cela s’est produit au club de la Vaillante d’Angers, que malheureusement, ce n’est pas le premier fait de la saison, je peux vous sortir plein d’autres procès verbaux, où cela est arrivé, que ce soit dans les catégories seniors ou celles des jeunes dans d’autres clubs, mais sauf, qu’à ce moment-là, on en n’a pas parlé. Et là, c’est la Vaillante d’Angers et pourquoi cela sort comme cela dans la presse, avec autant d’ampleur. Et ça, ça m’énerve. Et à contrario, par rapport à toutes les actions que l’on mène depuis plusieurs années, sans parler de la section féminine que l’on a créée cette saison, on n’en parle jamais. C’est aussi sans parler de la formation de nos arbitres, de l’éducation de nos jeunes, avec une surveillance, un regard sur la partie scolaire, de les faire évoluer sportivement, de faire des actions avec des clubs professionnels, comme avec le Paris-Saint-Germain, le FC Nantes, où encore avec le SCO d’Angers. Par contre, de tout cela, on n’en parle pas… Les bonnes actions que l’on a pu faire, personne n’en a jamais parlé. Créer une section féminine, dans un club comme le nôtre, ce n’est quand même pas anodin… Le travail de nos éducateurs est toujours sous silence, de tout le travail réalisé sur l’image du club, on en parle jamais. On a quand même des éducateurs diplômés dans toutes les catégories. Par contre, pour nous appuyer sur la tête, là, il y a du monde… »
Est-ce que ce genre de situation pourrait vous pousser à quitter votre rôle de président de la Vaillante d’Angers ?
« Non, ce n’est pas ce genre de chose qui me donnerait l’envie de quitter le club. Justement, cela me donnerait plutôt l’envie de renforcer les actions au sein du club, et continuer à mettre des choses en place, pour faire évoluer le club. »
Est-ce frustrant d’avoir toujours l’étiquette de club de quartier ?
« Il est clair, que c’est beaucoup plus compliqué de gérer un club de ville, qu’un club de campagne, sans être péjoratif, dans les termes. Ce n’est pas du tout la même chose, cela n’a rien à voir. On a aussi quatre cent licenciés, donc on n’est pas non plus un petit club. Il y a beaucoup de surveillance à faire, beaucoup d’actions à mener. Dans un club de quartier, il est aussi plus compliqué de trouver des bénévoles. Il est aussi évident, qu’en jouant à un certain niveau, on est plus regardé que dans d’autres clubs. »
Pour conclure, quel serait votre discours, pour ceux qui liront l’article ?
« On ne peut pas tolérer et cautionner ce genre de fait, de la part de l’un de nos licenciés. Malheureusement, on ne pouvait pas anticiper ce genre de chose et aujourd’hui, on subit la situation d’un cas isolé, c’est très frustrant. Cette attitude est un manque de respect pour tous les officiels et envers tous les membres du club. Ce que je peux leur dire, c’est que le club va se remobiliser, redoubler d’attention et réfléchir à de nouvelles procédures, afin d’éviter que cela se reproduise. On va se donner les moyens de rebondir et de repartir de l’avant encore plus fort, en continuant nos différentes actions dans l’évolution du club. »









