Au coeur de l’océan indien, Romain Attanasio file à vive allure en direction du deuxième cap de ce Vendée Globe : le Cap Leeuwin. Si le skipper de PURE-Best Western n’a pas été épargné par les conditions, il a tenu bon et parvient aussi à s’offrir quelques rares moments de détente. Récit de la semaine d’un skipper aussi heureux que combatif.

L’océan a aussi ses no man’s land. Au cœur de l’océan Indien, les marins s’offrent un face à face avec les conditions météorologiques. Sur cette route en effet, les îles les plus proches sont à 300 milles de là, le trafic maritime est quasi-inexistant et la seule compagnie est celle des albatros ou des oiseaux. C’est là que Romain Attanasio poursuit sa route après plus d’un mois de compétition.

Quelques secondes de répit.

Depuis qu’il a franchi le cap de Bonne-Espérance jeudi dernier, le skipper de PURE-Best Western a déjà parcouru plus de 2 500 milles. À la longitude de l’Afrique du Sud, il confie s’être fait « happer par une zone de molle ». Et puis, une dépression a amélioré les conditions, le vent s’est rapproché des vingt nœuds et l’océan Indien est redevenu fidèle à ce qu’il est : une interminable étendue où le ciel est bas, la mer désordonnée et les vagues qui déferlent sur le pont sont innombrables.

Sur ce long bord, le monocoque est soumis à rude épreuve. “Ce n’est pas simple, expliquait Romain en début de semaine. Le bateau part à fond et comme les vagues sont de côté, il tape. Il faut se tenir partout, il y a des moments d’accalmie quand tu rates un surf par exemple. C’est marrant, il n’y a que dans le Grand Sud qu’on est content de rater un surf, ça donne quelques secondes de répit.”

Nous vivons comme des bêtes.

La météo est parfois capricieuse, les vents peuvent souffler à 25 nœuds, remonter subitement à 40 nœuds et la mer est formée, agitée, démontée, presque incontrôlable. “Ce sont des moments où tu vis à quatre pattes, où tu peux à peine manger, tu ne peux pas prendre de douche, tu ne peux même pas faire un café”. Au cœur de la semaine, Romain assure qu’il n’a “pas pu boire un verre d’eau”. “Nous vivons comme des bêtes, tu ne peux rien faire.”

Heureusement, il arrive parfois de connaître une relative accalmie. C’était le cas ce jeudi et on sentait, dans la voix du marin, que ça faisait du bien. Romain Attanasio s’amuse d’avoir de la compagnie sur sa route : depuis la fin de l’Atlantique Sud, Clarisse Crémer (Banque Populaire X) navigue dans son sillage. “Nous sommes dans le même phénomène météo, on fait la même route. C’est sympa : dès qu’elle me reprend des milles, ça m’énerve et ça me pousse à ramener de la toile”. Romain a pris un avantage conséquent sur la jeune navigatrice et il affichait une avance de plus de 160 milles ce vendredi matin.

Bonne-humeur, sourire et enthousiasme.

Mais il a aussi trouvé une camarade de jeu, une confidente, une oreille attentive. “On discute beaucoup avec Clarisse par WhatsApp. On parle de notre moral, on se raconte nos vies”. Il y a plus que jamais besoin d’entendre l’humanité quand on est seul à affronter les affres de la nature. Décidément, WhatsApp marche aussi bien sur terre qu’en mer.

Romain est d’ailleurs le premier à révéler l’existence d’un groupe exclusivement pour les skippers : “c’est Boris (Hermann) qui en est à l’origine et qui est le plus actif. On lui en veut parfois parce qu’il parle trop (rires) ! Sam (Davies) nous envoie des photos de l’avancée de ses travaux, chacun commente et s’encourage… Parmi les plus assidus, il y a Benjamin Dutreux qui a commenté le match de rugby dimanche (Angleterre-France) et les Anglais étaient à fond !”

Malgré la fatigue et le poids du temps passé en mer, Romain est fidèle à lui-même. Il garde sa bonne-humeur, son enthousiasme et le sourire n’est jamais loin pour égayer son visage. Le marin a un sacré don pour trouver les bons mots, faire rire et plus que tout, faire ressentir les émotions liées à son tour du monde. Nouvelle exemple cette semaine : “J’ai très envie de steak-frites. C’est à un point où j’ai rêvé que j’en mangeais un. J’ai approché ma fourchette vers ma bouche mais il n’y avait rien. Du coup, je me suis réveillé en sursaut !” Romain Attanasio ne rêve pas : il participe bien (et avec un sacré talent) à la plus prestigieuse des courses au large.