Souvent contestés, parfois écoutés, les arbitres ont une fonction difficile dans le monde du sport. Garant des règles et du bon déroulement du jeu, un arbitre se doit d’être impartial et loyal envers les instances qu’il représente. Vous avez dit « un » arbitre ? Mais pourquoi tant de masculinisation ? Un arbitre n’aurait-il pas la possibilité d’être « une » arbitre ? S’inspirant de la promotion de l’arbitrage féminin proposée par la Ligue des Pays de Loire de Basket-Ball, Passion Sports 49, dans le cadre de sa rubrique « Au Cœur d’une Passion », est parti à la rencontre de 3 femmes passionnées d’arbitrage: Sonia C., Conseillère Technique des Officiels, Cynthia L, arbitre nationale et marraine de cette promotion, et Charlotte G., arbitre internationale de Hockey sur Glace.

Cynthia, arbitre nationale de Basket-Ball et formatrice d’arbitres, est la marraine de l’édition 2018 de la journée régionale de l’arbitrage féminin dans le basket

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Charlotte, arbitre internationale de Hockey sur Glace, et sélectionnée pour participer à ses seconds Jeux Olympiques en Corée du Sud cette année

Sonia, Conseillère Technique des Officiels des Pays de la Loire

Ne leur dites surtout pas que l’arbitrage est uniquement un truc d’hommes ! Même si l’égalité entre hommes et femmes n’est pas à encore effective dans de nombreux sports collectifs notamment, de plus en plus de femmes se lancent et deviennent arbitres. Imaginez-vous une personne, qui se doit de faire respecter les règles du jeu, soit une femme ? Et qui plus est sur des rencontres notamment masculines ? Sacrilège me direz-vous ? Que nenni ! Et croyez-moi, elles sont nombreuses, ces femmes, à tenter leur chance et à pouvoir profiter de leur passion au même titre que leurs homologues de l’autre sexe. Depuis près de 10 ans, la part d’arbitres féminines dans les effectifs totaux, tous sports confondus, a augmenté de plus de 100% (Source INSEE). Il y a donc deux fois plus d’arbitres femmes aujourd’hui qu’il y a 10 ans!

A l’image de la Fédération Française de Basket-Ball et le Stage de formation effectuée depuis deux saisons, la Ligue régionale des Pays de la Loire proposait une journée de formation le samedi 20 janvier dernier. Une journée basée sur un temps d’échange et de partage pour une vingtaine d’arbitres féminines de la région, encadrées par une équipe composée d’intervenantes et de responsables de formation, techniques et sportives. Cette journée a permis de mettre en avant des axes de progression en continuant à pouvoir travailler évoluer dans un domaine qui est encore trop représenté par les hommes. Mais être arbitre, c’est avant toute chose un « mélange de passion et de plaisir », comme le souligne ci-bien Cynthia L., marraine de cette édition 2018. Au sein de la région Pays de la Loire, trop peu nombreuses sont les arbitres femmes qui se lancent dans cette activité. Dans le basket par exemple : 42% de joueuses pratiquent le sport, mais à peine 20% l’arbitrent. Pas assez pour Jean Michel Dupont, président de la Ligue Régionale. D’où la nécessité de « créer ce type de journée de promotion, pour partager notre passion, apprendre grâce à des acteurs indispensables dans notre sport, puis travailler sur des problématiques qui concernent directement l’arbitrage féminin ».

D’autres sports sont également concernés par cette problématique. Et forment de plus en plus de femmes arbitres, afin de les voir pratiquer au plus haut niveau. C’est le cas de la Fédération Française de Hockey sur glace. Charlotte G, arbitre internationale depuis plus de 10 ans et sélectionnée pour les prochains Jeux Olympiques d’Hiver, a fait le choix de « devenir arbitre il y a 14 ans. Ne voulant pas céder ma place, j’ai pris le sifflet pour ne pas être hors-jeu, j’ai pris le sifflet et c’est devenu une véritable passion à part entière ». Son palmarès ? Deux sélections pour les Jeux olympiques (2014 et 2018), des finales de championnat du monde (2011, 2012, 2013, 2015 et 2017), une finale de Coupe d’Europe (2010), finale de Coupe de la Ligue en 2014 puis Coupe de France en 2015, et pour terminer de nombreuses finales de Ligue Magnus, le plus haut niveau français. De belles lignes écrites et un palmarès obtenus grâce une volonté de ne « jamais abandonner et de surtout ne jamais penser que quelque chose est impossible ». Dans un monde d’hommes, Charlotte a su prendre les devants et montrer à tous qu’il fallait compter sur elle. Pari gagné puisqu’elle est aujourd’hui connue et reconnue par ses pairs.

Passion Sports 49 a eu la chance et l’honneur de partir à la rencontre et à la découverte de ces personnes qui ont fait de leur activité une véritable passion. Entretien croisé avec ces trois drôles de dames : Sonia, Cynthia et Charlotte, qui ont accepté de répondre à nos questions.

Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? Et présenter votre parcours ?

Cynthia L.: j’ai 22 ans. Je suis originaire de Saint-Nazaire. J’ai commencé le basket à l’âge de 9 ans et j’ai arrêté de jouer cette année pour privilégier l’arbitrage. À côté du basket, je suis en master 2 en gestion de patrimoine.

Sonia C.: Mon parcours est assez atypique pour se résumer en quelques lignes. L’essentiel pour aujourd’hui, est que je suis spécialisée  dans l’accompagnement de sportifs de haut niveau sur le plan mental, suite à un DU de coaching et performance mental. Je suis également formatrice auprès d’une école de commerce, en intervention sur la matière de « gestion de carrière ».

Charlotte G.: Agée de 36 ans et sportive depuis le plus jeune âge j’ai commencé le ski à 15 mois, la natation et le judo en classe aménagée à 5 ans, puis le hockey à 9 ans. J’ai joué au niveau régional en basket, et j’ai atteint le niveau national au hockey, en escrime et en handball.

Pourquoi avoir fait le choix de devenir arbitre ?

CL : Je n’ai pas vraiment choisi. J’étais réticente à chaque fois que je devais prendre le sifflet. Puis en 2010, un samedi après-midi je dois arbitrer un match de jeunes. C’était un match un peu chaud entre les deux équipes et c’est là que j’ai eu le déclic. J’ai apprécié le fait de prendre des décisions, gérer les acteurs et faire en sorte que le match se passe bien. Après ce match, j’ai directement été voir ma mère pour lui dire que je voulais être arbitre officiel. Finalement on a fait toutes les démarches pour que je fasse le stage de la FFBB à Sablé-Sur-Sarthe. Et depuis je ne me suis pas arrêtée

CG : Arbitre multisports depuis toujours grâce au sport scolaire, l’UNSS, je deviens arbitre de hockey sur glace il y a 14 ans, dont 10 années au niveau international, et bientôt 7 en ligue Magnus, ligue professionnelle. Au début je ne voulais pas céder ma place sur le terrain, donc pour ne pas être hors-jeu j’ai pris le sifflet, puis c’est devenu une passion à part entière.

Sonia, vous êtes devenue la responsable du suivi de formation des officiels de basket-ball de notre région. Pourquoi avoir effectué le choix de basculer ce type de fonction ? 

SC : Tout d’abord parce que je suis passionnée par le basket depuis maintenant plus de 24 ans. Ensuite, j’ai la chance d’avoir mon père qui est arbitre et qui m’a appris, à jouer en m’adaptant aux arbitres plutôt que d’y porter une énergie sur eux et oublier mon objectif de joueuse qui est de (faire) marquer des paniers. 😉 Le rôle d’arbitre est une image erronée pour beaucoup de personnes. C’est une très belle école de la vie, ou on apprend à prendre des décisions. Et quand on a 15 ans, ce n’est pas une priorité en général. Ma fonction est d’accompagner et de former nos arbitres sur la région. Le challenge est bien présent, surtout quand on prend ses nouvelles fonctions sans être arbitre à ce moment-là ! Aujourd’hui j’ai craqué, je le deviens également. C’est un rôle très intéressant dans notre discipline.

Comment préparez-vous une rencontre sur laquelle vous allez officier ?

CG : La rencontre se prépare dès la désignation. Il y a dans un premier temps toute la phase logistique, gérer le transport, l’hôtel, l’absence au travail, etc… Puis le matin même la préparation du sac qui est un rituel. Vient enfin le temps du match pour lequel je fuis toute routine pour ne pas me trouver démunie en cas d’imprévu.

CL : Dès que je reçois ma convocation, je vais voir le classement des deux équipes. Je regarde le résultat du match aller s’il a eu lieu. Je regarde sur quelle série sont les équipes (défaites, victoires). Si ce sont des équipes que j’ai déjà arbitrées, je regarde les vidéos que j’ai pour cibler les joueurs majeurs, les principes de jeu. Quand je ne connais pas l’équipe adverse, j’essaie d’avoir des renseignements par mes collègues qui y ont pu officier dessus, voire regarder les vidéos si j’ai le temps. Sinon je m’entraîne chaque semaine, je fais du sport pour m’entretenir physiquement. Et j’arbitre en universitaire ou je vais arbitrer des entraînements

Avez-vous déjà rencontré des difficultés dans votre mission d’arbitre ? Au tant d’un point de vue sportif que relationnel ?

CG : Les joueurs professionnels, les coaches et le public s’en tiennent à la compétence et non au genre de l’arbitre, contrairement à mes pairs. Il faut noter quelques dérapages sur l’ensemble de ma carrière d’ordre sexiste, « retourne faire la vaisselle et du tricot », ou une main aux fesses « pour rire ».

 CL : D’un point de vue sportif, il faut connaître son sport encore mieux que les autres. Il ne s’agit pas seulement de la connaissance des règles mais également de la connaissance du jeu. Chaque niveau est différent et il faut s’y adapter. Pour le relationnel, j’ai déjà rencontré des difficultés quand j’étais plus jeune. Certains entraîneurs à des niveaux inférieurs ne me prenaient pas au sérieux et je n’étais pas encore capable de les gérer. Aujourd’hui, c’est différent et dans la plupart des cas mes matchs se passent bien

Et pour vous Sonia, Avez-vous déjà rencontré des difficultés dans votre mission de formateur?

SC : Jusqu’ici pas vraiment. Mes difficultés étaient surtout la compréhension de toutes les formations et le cheminement que doit réaliser un arbitre pour évoluer au plus haut. La casquette de formatrice est présente depuis déjà un petit moment. On parle Basket surtout, donc pas vraiment de difficultés si ce n’est se familiariser avec le vocabulaire du corps arbitral.

Cynthia, vous êtes pressentie pour officier au plus haut niveau français. Votre parcours d’arbitre attire-t-il des jalousies de la part de vos collègues (femmes et hommes confondus) ? Et si oui, comment faites-vous pour surpasser tout cela ?

CL : Des jalousies, je n’en sais rien et je m’en fiche. On a chacun notre parcours et nos objectifs. Je ne m’attarde pas sur ce genre de comportements. Je fais mes matchs, mon travail et ça s’arrête là. Tout ce qui peut se dire autour ne me concerne pas.

Vous concernant Charlotte, votre « palmarès » d’arbitre (jeux olympiques, rencontres internationales …) attire-t-il des jalousies de la part de vos collègues ? (femmes et hommes confondus). Et si oui, comment faites-vous pour surpasser tout cela ?

CG : La plus grosse difficulté est de ne pas céder aux pressions, de ne pas répondre aux insultes, de continuer à gravir les échelons en prenant bien soin de les laisser en bas de l’échelle. Toutefois, force est de constater que leurs comportements outrageants croissent de façon proportionnelle à mon palmarès

Quant à vous Sonia, Vous avez pris donc pris les fonctions de Conseillère Technique des Officiels au sein de la Ligue régionale de basket-ball. Comment réagissez-vous vis-à-vis de possibles jalousies ?

SC : Je n’ai pas eu la sensation d’être confrontée à de la jalousie. Et si c’était le cas, peu importe. La place était ouverte pour tous. Les fonctions de ce poste me challengeaient. J’ai tenté ma chance, et voilà, 6 mois plus tard, je suis toujours aussi satisfaite de ma décision d’avoir proposé ma candidature.

Revenons à des choses plus gaies. Quels sont vos plus 3 plus beaux souvenirs dans votre carrière ?

CL : Le premier c’est mon premier stage d’arbitre à Sablé-Sur-Sarthe. La première fois que l’on m’apprend tout ce qui concerne l’arbitrage, je rencontre des personnes d’un peu partout. je rencontre Abdel Hamzaoui. Le premier arbitre haut-Niveau que j’ai rencontré. Je l’ai  retrouvé quelques années plus tard sur les championnats universitaires et autres. Le deuxième est la finale du TIL à Magny-Le-Hongre en 2016. Pour finir, le troisième est un match de cette saison en coupe de France. J’ai été désignée sur le match opposant Landerneau (LF2) à Mondeville (LFB) en Coupe de France, avec une collègue qui me suit depuis longtemps : Véronik Voyeau.

CG : Sans hésitation : La désignation pour les JO 2014, les JO 2014 et la désignation pour les JO 2018

SC :Je dirais une rencontre originale. Jouer contre ma mère en étant arbitrer par mon père. En championnat bien entendu. Puis viennent les championnats de France universitaire, que j’avais pu réaliser lors de ma seule année de faculté. Un excellent souvenir ou nous avions fini 3ème. Enfin, mon stage de préparatrice mental à l’OM.

Quelle serait la plus belle chose qui pourrait vous arriver ? D’un point de vue personnel et/ou sportif.

CG : D’un point de vue personnel : une vraie reconnaissance de mes pairs pour ma carrière et le tout marqué par un vrai jubilé ! D’un point de vue sportif : une finale olympique

CL : D’un point de vue personnel, c’est de continuer d’être heureuse et d’être aimée par les gens que j’aime. D’un point de vue sportif, c’est de toujours prendre du plaisir en allant officier. Le basket reste un jeu, même s’il me passionne, c’est important que je continue de prendre du plaisir chaque fois que je vais arbitrer

SC : De devenir une « bonne » arbitre ! Et que sur toutes les compétitions, on arrête d’entendre les arbitres se faire insulter. Je sais que c’est une idée assez utopiste, et pourtant j’ai beaucoup de souvenirs ou les spectateurs encouragent, les coachs coachent, les joueurs jouent, et les arbitres arbitrent….

Pour terminer, quel(s) serait (ent) le (s) conseil (s) que vous pourriez donner à toutes les femmes qui  souhaiteraient devenir arbitre et/ou formatrice, ou qui tentent de s’imposer dans leur domaine ?

SC : D’être elle-même. De croire en elle. Et surtout de ne pas se poser de questions à l’idée d’être une femme ou un homme. On s’impose naturellement grâce à la compétence. La passion favorise l’apprentissage. Quand on est sûre de soi, on ne se pose pas de question. Il faut faire ce que l’on aime dans la vie, ce qui nous passionne. Je ne dis pas que c’est forcément simple, seulement quand on récolte ses fruits, on conforte ses décisions, ses choix. Donc foncez, si vous souhaitez être arbitre, formatrice, présidente de la république, astronaute….

CG : Ne jamais abandonner, ne jamais mettre un genou à terre, se nourrir de l’énergie que certains mettent pour nous démonter et surtout ne jamais penser que quelque chose est impossible

CL : Pour celles qui souhaiteraient devenir arbitre, je les encourage vraiment à se lancer car l’arbitrage est une école de la vie. On apprend énormément de soi et des autres, on rencontre des personnes de tout horizon, on partage des moments géniaux et ça en devient des souvenirs inoubliables.

Pour celles qui le sont, je leur dis de continuer mais vraiment. Être une femme n’est pas un obstacle, de prendre confiance en elles et de travailler pour atteindre les objectifs qu’elles se sont fixées. Ne pas baisser les bras quand elles rencontrent des difficultés et surtout ne pas se refermer sur soi mais parler de ce qui ne va pas à d’autres.

En tout cas, je leur souhaite de prendre autant de plaisir que moi chaque week-end, c’est primordial.

Cette passion existe en elles. Cette passion de l’arbitrage mais du sport avant toute chose. Passion Sports 49 soutient toutes et tous les arbitres à travers ses valeurs sportives. 

Vous souhaitez avoir des informations pour devenir arbitre ? N’hésitez à vous renseigner auprès de votre club ou votre fédération. Nous sommes persuadés qu’à force de travail, ce sera vous, la future star de l’arbitrage français !

Reportage réalisé par Kévin Acari, avec la sympathique et professionnelle collaboration de Charlotte, Cynthia et Sonia.

Remerciements à l’ensemble des personnes rencontrées dans le cadre de ce reportage.

Tous Droits Réservés, Février 2018